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admirable, qui allait lui permettre d’entreprendre ce coûteux voyage à très bon compte, et avec les plus (belles chances de réussite ultérieure. Le célèbre flûtiste Wendling, qui l’avait toujours accueilli très affectueusement depuis son arrivée à Mannheim, et que des engagemens de toute espèce appelaient à Paris dès le début du mois de février, lui offrait de l’emmener dans sa voiture, en compagnie de deux autres artistes également connus et aimés du public parisien. Son offre avait, naturellement, ravi le jeune homme, qui découvrait là une perspective certaine de fructueuses commandes pour le Concert Spirituel ; et l’on entend bien que Léopold Mozart, de son côté, avait fort approuvé un projet qui, entre autres avantages, dispenserait Wolfgang d’avoir besoin désormais de l’assistance de sa mère. « Il est temps que nous nous occupions des détails du retour de maman à Salzbourg, — lui écrivait son fils, le 10 janvier 1778. — Quant à moi, lorsque j’aurai reçu vos conseils, je suivrai les idées de mes compagnons de route, et me ferai faire, comme eux, un habit noir, en réservant pour l’Allemagne les habits galonnés, qui ne sont plus de mode à Paris... Veuillez donc m’écrire, dans votre prochaine lettre, si c’est bien ainsi que je dois faire ! »

Dans sa lettre suivante, du 17 janvier, Mozart annonçait à son père que, à la fois pour s’occuper et pour gagner un peu d’argent avant son départ, il allait passer quelques jours à Kirchheim, petite ville des environs, où demeurait une princesse d’Orange qui l’avait entendu naguère à La Haye, et qui, dès qu’elle avait appris son séjour à Mannheim, lui avait fait demander de venir chez elle. « Je recevrai pour le moins huit louis d’or : car la princesse aime si passionnément le chant que j’ai fait copier pour elle quatre de mes airs. » Après quoi le jeune musicien, à propos justement de cette copie de ses airs, informait son père et sa sœur d’une nouvelle connaissance qu’il venait de faire à Mannheim :


Je dois vous dire encore que la copie de mes airs ne m’aura guère coûté : car elle a été écrite pour moi par un certain M. Weber, qui va précisément se rendre avec moi à Kirchheim. Cet homme excellent a une fille qui chante le mieux du monde, et possède une voix d’une pureté délicieuse, et n’est encore âgée que de quinze ans. Il ne lui manque absolument que l’action, dramatique pour pouvoir devenir prima donna sur n’importe quelle scène. Son père est un type parfait de l’honnêteté allemande, et qui élève très bien ses enfans, ce qui est naturellement la cause des persécutions dont la pauvre fille se trouve ici accablée. Il a six enfans, cinq filles et un fils. Depuis quatorze ans, avec sa femme et ses enfans, il a dû se contenter d’un salaire de 200 florins : et comme il s’est toujours très bien