Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissance du pays ? » Il se désespérait de penser que les solutions libérales, qui lui étaient chères, auraient été, en même temps, les plus favorables à l’influence française : « Et dire que, pour échapper à cet avilissement d’une double politique ou d’une double morale, pour conserver à la France le droit de porter la tête haute en face des nations, il n’y avait qu’à rester fidèle à soi-même, à se fier à l’esprit moderne, à la raison ou au bon sens français ; il n’y avait qu’à laisser la France donner, chez elle, l’exemple de ces principes qu’elle prétend représenter aux yeux des peuples, et qu’à reconnaître, à tous les Français, sans privilège pour les uns, sans exception pour les autres, l’égal bénéfice de la liberté, dans le droit commun ! » Tout Anatole Leroy-Beaulieu « libéral » et patriote est là ! Et voici comment cet homme, l’un des Français qui connaissaient le mieux les autres peuples, qui avait le plus réfléchi aux destinées et aux intérêts de la France au dehors, républicain et libéral sous l’Empire, concluait son article : « Le jour où, pour obéir aux sommations de l’anticléricalisme, la France aura lâchement abdiqué sa fonction de grande nation catholique, elle sera singulièrement diminuée aux yeux mêmes des peuples où le nom français avait gardé le plus d’éclat et le plus d’amis. Ce sera ; pour nous, le signal de la décadence définitive, de l’irrémédiable déchéance préparée et hâtée par des mains françaises. A l’heure fatidique des compétitions universelles, entre les peuples et les races, nous aurons, nous-mêmes, rejeté ou brisé, comme inutile, le traditionnel instrument de notre ascendant ou de notre suprématie au loin... Veut-on la caractériser d’un mot... je n’en trouve qu’un : la politique de l’anticléricalisme est, pour la France, une politique de suicide national[1]. »

J’ai déjà dit comment, après 1870, les études un peu flottantes, un peu « fantaisistes, » d’Anatole Leroy-Beaulieu s’étaient précisées et orientées vers un but : la reconstitution de l’intégrité et de la grandeur française, l’avènement de la justice internationale. Il ne séparait pas ces deux grandes causes, l’avènement de la justice internationale ayant pour condition essentielle et devant avoir pour premier effet la reconstitution de l’intégrité française. La question d’Alsace-Lorraine est partout, invisible et présente, dans les ouvrages de ce grand Français ;

  1. P. 112, 113. Cf. dans les Doctrines de haine, p. 227.