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c’est-à-dire, vu leur excès, à de larges réductions. Si un gouvernement étranger se refusait à cette opération, le gouvernement chérifîen pourrait d’autant mieux se refuser de son côté à reconnaître telle ou telle protection abusive que l’article 9 de l’accord franco-allemand, auquel toutes les puissances ont adhéré, prévoit une procédure d’arbitrage pour régler les difficultés de ce genre comme toutes celles qui peuvent surgir entre un ressortissant étranger et les autorités marocaines.

La protection ainsi comprimée de toutes parts n’aura plus grand prix. Elle apparaîtra aux membres des colonies étrangères eux-mêmes telle qu’elle est : un anachronisme choquant dans le Maroc nouveau. Et l’opération finale nécessaire pour extirper complètement ce mal, naguère si virulent, deviendra bien peu de chose après le traitement qui le réduit. Ainsi, par une compensation heureuse, notre conquête du Maroc aura délivré les indigènes d’un abus qui permettait à beaucoup d’étrangers de prendre à leur égard des allures de conquérans.


La fin de l’exterritorialité des étrangers et de la protection est d’autant plus désirable qu’elles aggravent un des pires dangers que courent les indigènes, la difficulté la plus redoutable pour la bonne orientation de notre œuvre marocaine : le désordre immobilier résultant de l’afflux des acheteurs étrangers dans un pays où on peut dire, en exagérant à peine, que la propriété rurale n’existait pas. Une telle affirmation étonnera sans doute ceux qui ont lu de consciencieuses études sur le régime foncier du Maroc. Qu’ils réfléchissent cependant que des principes juridiques, qu’ils soient tirés du Coran, de ses commentateurs ou de toute autre source, ont en fait tout juste la valeur que leur donnent la capacité et la volonté des pouvoirs publics qui les appliquent. C’est dire l’efficacité que la loi et ses gloses pouvaient avoir au Maroc.

En dehors des villes et de leurs ceintures de jardins, où un certain ordre régnait et assurait le respect de propriétés matériellement limitées et faciles à constater, le droit de propriété ne pouvait guère, dans le vague et l’insécurité des campagnes marocaines, se distinguer du fait de la possession. Une foule de raisons contribuaient à ce que l’un ne pût pas exister, ou du moins se maintenir longtemps sans l’autre. L’effet des guerres