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une autre commission, qui rechercherait « les crimes de ceux qui égaraient les départemens. » Le 25, ce fut lui qui monta à la tribune pour répondre à « l’imprécation du président » contre ce peuple, sans l’énergie duquel « il n’y aurait pas eu de Révolution, » contre cette ville « qui méritait l’embrassement de tous les Français. »

Le 27, il paraît arrivé au paroxysme de la colère. L’offensive de la Gironde l’inquiète : il se sait perdu, si elle triomphe. Il se jette dans un tumultueux débat qui s’est institué au sujet des Douze et c’est le Danton des grands jours : « Tant d’impudence commence à nous peser. Nous vous résisterons ! » crie-t-il de sa place. Et c’est une catilinaire contre le complot « qui arrache à leurs fonctions les magistrats du peuple (c’est Hébert). » La Montagne l’acclama.

Le 29, il accentue son attitude : « Il est temps que nous nous coalisions contre les complots de tous ceux qui voudront détruire la République... Paris ne périra pas... Les sections... feront toujours disparaître ces lâches modérés dont le triomphe n’a qu’un moment. »

La situation était si tendue que l’heure des catastrophes parut inévitablement proche. Danton semblait la hâter, et cependant, comme toujours, devant la rupture, il semblait pris d’angoisse. Robespierre lui en fera un grief. « Il a vu, écrivait-il, avec horreur la journée du 31 mai, » et, effectivement, le lendemain de la journée, le bruit se répandra que Danton l’a désapprouvée. C’est fort exagéré. Danton voyait sans « horreur » se préparer une journée, mais il ne la voyait pas sans regret, parce qu’elle allait marquer la fin de son rêve, ni sans inquiétude, parce que, arrachant à leurs bancs les Girondins, elle le livrerait lui-même, avec la République, à la Montagne, à Robespierre, à Marat.

Regret et inquiétude le poussèrent à une dernière tentative pour apaiser le conflit. Le Comité de salut public, sous son inspiration, chargea Barère, le 30 mai, d’un rapport sur « l’état de la République. » Barère passa longtemps pour l’auteur du rapport. Il est aujourd’hui avéré que Danton se chargea de la partie proprement politique du morceau. Se sachant odieux à la Droite, et ne voulant point, en paraissant a la tribune, provoquer de nouvelles scènes de haine et aller ainsi contre son but, il préféra confier à l’onctueux Barère la lecture du rapport.