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Danton, cependant, tâta l’Italie. Semonville, un ci-devant (mais Danton, à cette heure, emploierait, s’il le fallait, un Bourbon), ira solliciter le grand-duc de Toscane ; Noël, un des agens du secret de Danton, court rassurer Venise. Tout un corps diplomatique nouveau est recruté, destiné aux petites cours : Verninac ira à Stockholm, Grouvelle à Copenhague, Descorches à Dresde, Bourgoing à Munich, Desportes à Stuttgard, Maret à Naples, Chauvelin à Florence ; Semonville poussera jusqu’à Constantinople. Presque tous ces agens, par leur naissance ou leurs opinions, seraient suspects au club des Jacobins. Qu’importe à Danton ! Il faut traiter suivant les anciennes formules et ces anciens agens du ministre des Affaires étrangères les connaissent. Subsidiairement, certains d’entre eux doivent travailler (Sorel a débrouillé merveilleusement ce bel écheveau diplomatique), fût-ce par d’incroyables feintes, à brouiller Prusse et Autriche, Quanta l’Angleterre, la prise d’Anvers seule l’avait exaspérée : voici Anvers perdu pour la France ; Danton ne demande qu’à laisser sommeiller la doctrine des limites naturelles. Tout ce travail produit-il des résultats ? Tout au moins fait-il naître des espérances ? On voit Danton s’écrier : « Vous saurez avant peu que cette ligue des rois tend à sa dissolution. »

L’Angleterre surtout donnait des espérances. Les libéraux anglais faisaient savoir à Danton que le sage décret du 13 avril était « un acte préalable au rétablissement de la paix, » Si rogue que parût le ministère tory, Danton ne désespérait point de le désarmer avec quelques semaines de plus.

La Prusse, elle, se laissait derechef entraîner à des négociations. Il y eut à Metz des entrevues dont l’Autriche s’inquiéta. Vienne même, d’ailleurs, sentait s’amollir son intransigeance devant les dangers que courait Marie-Antoinette : la Reine captive pouvait servir à amorcer une négociation. Elle jouait d’ailleurs un grand rôle en toutes ces démarches : de Naples, de Stockholm, de Florence, de Londres, on faisait de sa délivrance une condition préalable à tout accord.

En tout cas, partout, au commencement de juillet, les négociations étaient amorcées, acheminant peut-être à la paix. Le départ de Danton devait tout rompre.

Cette paix, il ne la voulait pas à tout prix. C’est pendant ce nouveau passage aux affaires que se développe chez lui ce nationalisme