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REVUE SCIENTIFIQUE

LES GRANDS FLÉAUX HUMAINS

De tous les grands fléaux morbides qui étiolent et ravagent l’humanité, les plus graves, les plus néfastes sont sans conteste à l’heure actuelle la tuberculose, le cancer et la syphilis. Certes, à côté d’eux, les épidémies soudaines et meurtrières qui, de-ci, de-là, déciment le troupeau humain : la peste, le choléra, la fièvre jaune, la fièvre typhoïde et tant d’autres ont un caractère plus effrayant par leur violence. Mais en fait les désastres qu’elles causent sont, comparativement, presque négligeables : et, dans le corps social comme dans la nature inorganique, les causes lentes mais continues, et qui ont pour elles tout l’espace et tout le temps, ont des effets beaucoup plus profonds en dépit des apparences, que les phénomènes violens, mais éphémères el localisés. Les torrens que les orages produisent dans les montagnes ont moins d’action sur l’érosion de la croûte terrestre que les fleuves paisibles, mais durables ; les tremblemens de terre ou les éruptions volcaniques les plus effrayans n’ont jamais autant modifié le relief du globe que ne fait l’action lente et insensible, mais éternelle, du vent ou de la pluie. Il en est ainsi des maladies, et c’est pourquoi cette sinistre trinité que font ensemble la tuberculose, le cancer et la syphilis sont si funestes, et c’est pourquoi elles fauchent chaque année plus d’hommes que n’a jamais fait la guerre, même dans les époques où sévit le plus cette folie homicide collective. C’est presque une dérision de voir les progrès pourtant admirables, que fait l’art humain de tuer, rester malgré tout bien en arrière de ce que peut faire cet horrible trio d’ « affections, » comme disent les médecins, par une