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ne résiste pas au désir de montrer, une fois de plus, à Casanova la folle et puérile inanité de sa « logomachie. » Et quant à ce qui est du reproche contenu dans la lettre du « très vénérable Ami, » le brave homme n’y aperçoit qu’une affectueuse et précieuse leçon de « civilité » française. « Vous m’exhortez à débarbariser ma langue maternelle, en me conseillant d’ajouter aux noms le titre de « Monsieur, » chaque fois que j’écrirai de vivans qui ne soient ni esclaves, ni charlatans, ni rois. Je vous remercie, monsieur, et je me garderai bien dorénavant de manquer à ce conseil. »

Pour toute réponse, le « philosophe » signifie expressément au « bon arithméticien » sa résolution de ne plus discuter avec lui les questions géométriques. * Je vous remercie de votre critique, lui dit-il, et je vous suis reconnaissant quand je pense qu’elle doit vous avoir coûté un temps que vous auriez pu employer plus utilement... Je sais assez que ce n’est pas moi qui me trompe, mais que c’est vous qui vous trompez, et l’amitié n’admet pas la méprisante dissimulation. » Voilà qui est net ; et le docile Opiz se taira donc désormais sur la géométrie : mais il n’en persistera pas moins à cultiver l’amitié d’un correspondant que le comte de Waldstein s’est maintenant attaché d’une manière définitive, en lui confiant la garde de sa bibliothèque. Non content de lui souhaiter humblement une heureuse année, il se fera un devoir de lui envoyer l’une des premières épreuves de son portrait « gravé en taille-douce, » en y joignant cette petite pièce de vers français de sa composition :


Voilà, monsieur, qui tout en sage
Vivez dans votre ermitage,
Sacrifiant tous vos loisirs
Aux innocens et doux plaisirs
Que vous offrit l’amitié,
Les Muses et la Vérité,
Faisant des livres et épitres
Pour des toilettes et pupitres.
Et maintenant un joli commentaire
Sur votre vie pas toujours solitaire,
Eh bien ! voilà ma physionomie !
Si vous y voyez ma philosophie,
Mon cœur aimant toujours le vrai, les arts, les hommes,
Au roi fidèle et aux amis,
Vous y voyez ce que je suis.
Nos cœurs et nos esprits sont tout ce que nous sommes.


Hélas ! pourquoi l’apprenti-poète de Czaslau a-t-il eu naguère