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avec une facilité exceptionnelle et dans des conditions spécialement favorables, — deux points qui méritent particulièrement de retenir notre attention.

Parler du million de kilomètres carrés que couvre la Tripolitaine et qu’auraient autrefois colonisés les Romains, c’est méconnaître singulièrement la vérité historique et faire briller devant nos imaginations modernes le plus décevant des mirages. En Tripolitaine, Rome n’a systématiquement exploité que la région occidentale, entre la côte et le limes Tripolitain. Nulle part, dans le bassin méditerranéen, la zone de la domination romaine n’a été aussi étroite ; trois cents kilomètres, au Nord de l’Italie et de la péninsule des Balkans, quatre cents en Tunisie, deux cent cinquante en Palestine et en Maurétanie, une centaine en Tripolitaine occidentale, quelques kilomètres à peine le long de la Grande Syrte. La région Syrtique de l’Est, les plateaux et les steppes de l’hinterland, réserve faite pour les vallées des oueds, les oasis du Sud — Djalo, Audjila, Sella, Djofra, le Fezzan, Ghat, — n’appartenaient que de nom à la sphère d’influence romaine ; seule l’oasis de Ghadamès présente des traces d’occupation effective et encore ne s’agit-il là que d’un simple poste militaire.

Les villes de la côte, Leptis Magna, Oea, Sabrata, ont toujours constitué le noyau de la province. Les raisons de cet état de choses sont d’ordre géographique, — rareté et médiocrité des terrains exploitables, immensité des espaces désertiques et improductifs, insuffisance des pluies, — par conséquent essentiellement permanentes. Elles s’étaient imposées aux premiers venus dans ces régions, les Phéniciens et les Carthaginois ; elles ont de même limité l’action colonisatrice de leurs successeurs, les Romains. Une fois de plus, dans l’histoire de l’humanité, les mêmes causes ont produit les mêmes effets.

La situation était analogue en Cyrénaïque. Sans doute, le plateau de Barca est beaucoup plus fertile que la Tripolitaine ; sans doute, il est susceptible d’un développement économique très supérieur, mais lui aussi, ne représente dans l’ensemble de la Cyrénaïque, qu’une terre d’exception. Les dimensions en sont peu considérables ; une centaine de kilomètres du Nord au Sud, cent quatre-vingts environ, de l’Est à l’Ouest, au total, une vingtaine de mille kilomètres carrés. Au Sud, commencent immédiatement les roches dénudées et les sables du désert