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libyque, dont les lointaines oasis de Djalo, d’Audjila, de Koufra viennent seules interrompre la morne monotonie. Les Romains s’en sont tenus à l’occupation du plateau ; ils n’ont jamais pris pied dans les oasis du Sud. Peut-être une cinquantaine de mille kilomètres carrés en Tripolitaine, y compris les vallées du T’ahar, une vingtaine en Cyrénaïque, moins de cent mille pour les deux provinces (le dixième à peine de la superficie totale), tel est le chiffre auquel on peut estimer à peu près l’ensemble du territoire réellement exploité. On a donc le droit de conclure que cette zone a toujours été fort restreinte.

Second fait. La première occupation italienne s’est faite dans des conditions exceptionnellement favorables. Tout d’abord, la prise de possession n’a présenté aucune difficulté sérieuse. A vrai dire, il n’y a même pas eu conquête. En Tripolitaine, les Romains sont intervenus à la demande même des habitans de Leptis ; en Cyrénaïque, le dernier roi leur a légué son royaume. Les populations côtières qu’ils trouvaient devant eux, traditionnellement vouées à l’agriculture et au commerce, habituées au luxe amollissant des vieilles civilisations, étaient essentiellement pacifiques. La question religieuse ne se posait pas sous la forme brutale et avec le caractère d’âpreté qu’elle revêt de nos jours. L’Européen pouvait être un étranger ; il n’était pas l’infidèle, ce qui, en Afrique, veut dire trop souvent l’ennemi.

Ni les Libyphéniciens du littoral tripolitain, ni les Grecs de Cyrénaïque, n’ont opposé de résistance systématique à l’établissement de la domination romaine. Enfin, l’état prospère du pays réduisait à son minimum l’effort de colonisation nécessaire. Les Phéniciens, les Carthaginois en Tripolitaine, les Grecs en Cyrénaïque avaient depuis de longs siècles mis le sol en valeur. La question fondamentale de l’irrigation avait été scientifiquement étudiée et, sur bien des points, résolue ; il s’agissait donc, on ne saurait trop le répéter, de régions exploitées d’une manière intensive et déjà en plein rendement.

Des deux traits fondamentaux qui caractérisent l’œuvre italienne d’autrefois, le premier est de tous les temps, car les conditions géographiques ne changent guère. L’exploitation de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque se présentera toujours sous une forme nécessairement restreinte et étroitement limitée. Mais la prise de possession et la mise en valeur s’annoncent, dès