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de Chaâlis, qu’elle devait acquérir plus tard, remplir aussi d’œuvres d’art et léguer à l’Institut en même temps que l’hôtel du boulevard Haussmann et ses collections. Mais sa carrière de peintre est alors terminée. En 1881, dès qu’elle eut épousé Edouard André, dont elle avait fait le portrait en 1874, l’artiste déposa ses pinceaux pour se consacrer tout entière, avec son mari, à l’achèvement du Musée en formation.

C’était le moment où le Duc d’Aumale hâtait la reconstruction du château de Chantilly, commencée en 1875 sur les plans de l’architecte Daumet, pour y installer ses collections de tableaux, objets d’art, livres, manuscrits récemment arrivés d’Angleterre ou acquis en France même. Sur la prière de M. Louis Gonse, directeur de la Gazette des Beaux-Arts, le prince avait bien voulu m’autoriser à parler déjà des peintures et sculptures, dans cette publication. En attendant l’achèvement des galeries et des cabinets destinés à les recevoir, les tableaux étaient déposés, les uns suspendus aux murs, les autres, sur le parquet, à peine déballés, dans le pavillon du jeu de Paume. Et c’est là qu’avec sa grâce bienveillante et sa bonne humeur, l’homme d’action condamné au repos, amateur et bibliophile aussi actif, militant, libéral, patriote dans les travaux de l’esprit, qu’avait été l’officier sur les champs de bataille, voulait bien confier à une curiosité respectueuse les détails, souvent amusans, de ses conquêtes pacifiques dans les librairies, magasins d’antiquaires, ventes publiques et cabinets privés où il avait, durant ses exils, trouvé ses plus douces consolations.

C’est à ce moment aussi que s’ouvrait, à Milan, le Musée Poldi Pozzoli, dans la maison même du donateur, dont le testament ordonnait la conservation des objets d’art dans les chambres et aux places où lui-même les avait rangés. Les modèles précieux de mobiliers, orfèvreries, céramiques, s’y mêlaient aux peintures et sculptures pour y montrer la beauté et la grâce du génie milanais sous ses formes les plus élevées et les plus familières. Il n’est pas douteux que M. et Mme E. André n’aient été encouragés dans leurs projets par les exemples donnés à Chantilly et à Milan. Dans leurs premières campagnes à travers la Haute-Italie, moins exploitée alors par les voyageurs et les marchands que la Toscane et les Etats Romains, ils visitèrent certainement le Musée Poldi Pozzoli, et la vue de cet arrangement si personnel et si instructif ne put manquer de les émouvoir.