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Ce qui est certain, c’est qu’à partir du mariage, dès que les deux époux peuvent voyager ensemble, en Italie, en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, en Egypte, on sent bien que leurs recherches et leurs acquisitions se multiplient, avec un but déterminé, plus d’esprit de suite, et une passion mieux informée pour les œuvres supérieures dans tous les genres, notamment dans la tapisserie, la sculpture, la peinture. C’est qu’alors il faut s’occuper, non seulement de mettre en valeur le fonds déjà nombreux de curiosités, mais encore de donner aux salons de réception un décor approprié, et aux deux galeries monumentales, encore dégarnies, les pièces de musée qui en feront un complément du Louvre.

Pour mieux étreindre, il faut moins embrasser. Les tableaux modernes, pour lesquels tant d’autres amateurs prodiguent déjà, sur un marché changeant, des sommes toujours croissantes et souvent folles, depuis la concurrence formidable des Américains, sont décidément sacrifiés. Une estimation faite, en 1882, avant les ventes, attribuait à cette collection une valeur minimum de 300 000 francs. Les galeries seront donc réservées à la sculpture et à la peinture de la Renaissance italienne au XVe siècle. Au premier étage, ce seront, dans le grand hall, une exposition comparative d’œuvres de tous pays aux XVIe et XVIIe siècles, sur le palier voisin quelques sculptures antiques, dans le fumoir des peintures du XVIe. Dans toutes les autres salles et les chambres dominera le XVIIIe siècle français qui donnera le ton par ses tapisseries et portraits peints ou sculptés.

De 1881 à 1894, on le voit par les dates, chaque année, cette double prédilection pour la Renaissance italienne et pour l’Art français du XVIIIe siècle s’accentue et se précise. Ne sont-ce point là, en effet, pour des imaginations libres, sans préjugés scolaires, sans partis pris de mode ou d’intérêt, les deux floraisons de l’art les plus attrayantes, et qu’apparentent, par-dessus les périodes classiques, certaines qualités communes ? D’une part, quels décors mieux appropriés, quels meubles plus engageans, quelles peintures et sculptures plus aimables et vivantes, quelle multiplication d’ustensiles de table, d’objets de toilette et de curiosité plus variée, plus élégante, plus précieuse pourraient, mieux que ceux de la France au XVIIIe siècle, convenir aux réunions mondaines d’une société raffinée comme la nôtre, si soucieuse de bien-être confortable, et de distractions