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délégation remet au Roi un exemplaire du Livre Saint. Et celui-ci de s’associer à cette manifestation du nationalisme religieux, avec l’élan sincère et reconnaissant d’un héros de Charles Kingsley : « Depuis trois cents ans, des millions croissans d’êtres humains, appartenant aux races anglo-saxonnes, plus largement répandues que jamais sur la surface du globe, se sont tournées, dans leurs besoins, vers le texte grand et simple de la Version autorisée, et y ont trouvé des sources inépuisables de sagesse, de courage et de joie. J’espère fermement que mes sujets ne cesseront jamais de chérir le noble héritage de la Bible anglaise : elle est, au point de vue laïque, la première des manifestations nationales et, au point de vue spirituel, l’objet le plus précieux que cette terre puisse nous donner. » La reine Victoria et le prince Albert n’écrivaient pas d’une encre différente. Et, à un demi-siècle d’intervalle, leur petit-fils retrouve, sans effort, la seule parole religieuse, le seul geste rituel, que comprenne l’Anglais.

Un incident plus significatif encore s’est produit, au mois de décembre 1912. Interrogé par M. F. C. Brading, secrétaire de la Scriptures Gift Mission, lord Knollys, secrétaire de George V, a officiellement confirmé le fait, qu’avait révélé M. G. W. E. Russell : « Il est parfaitement exact, que le Roi a promis à la reine Alexandra, depuis aussi longtemps qu’en 1881, de lire, tous les jours, un chapitre de la Bible, et qu’il est toujours depuis resté fidèle à cet engagement. » Ce communiqué, reproduit par toute la presse, éveilla, dans les milieux les plus différens, la même émotion. Au nom des salutistes, le général Bramwell Booth déclare au Daily Chronicle « que ce témoignage public est un des événemens importans de notre époque. » Etant donné le siècle et ses mœurs, cet acte de foi est « un splendide acte de courage. » Et si demain « les soldats et les marins du Roi suivent son exemple, » l’Angleterre aura « une armée et une marine, comme le monde n’en a point connues depuis les jours de Cromwell et des Côtes-de-Fer. » Les piétistes ne sont pas seuls à admirer. Le Daily Telegraph, un organe conservateur et anglican, qui répugne d’ordinaire aux enthousiasmes puritains du boutiquier radical, croit devoir consacrer à l’incident un leading article (14 décembre 1912). Après avoir rappelé que les représentans les plus illustres du « siècle de Victoria, » sir Robert Peel et le général Gordon, le positiviste Stuart Mill et le