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pas oublié sa soumission aux ordres de ses supérieurs lorsqu’il fut condamné à une retraite longue et lointaine.

En ce qui touche Lacordaire, ce fut autre chose. On lui reprochait de briser le moule démodé des vieilles formules de la prédication, d’en faire une prédication sociale et peut-être de déployer trop d’ardeur à démontrer la nécessité d’un christianisme large, ouvert, libéral, pour tout dire sympathique, et de le considérer comme l’unique terrain où la société et l’Église pouvaient se réconcilier. L’abbé Dupanloup appartenait, comme ces grands religieux, à une école dont les idées et les principes ont cessé depuis de soulever les mêmes objections et il s’en inspirait dans son rôle restreint de catéchiste. On comprend maintenant pourquoi son enseignement n’était pas universellement approuvé par les ecclésiastiques qui se faisaient gloire de s’inspirer des antiques traditions plus encore que des besoins nouveaux d’une société que la Révolution avait transformée.

Parmi ces hommes respectables, restés peut-être trop étrangers à ces besoins nouveaux et qui ne pensaient pas que l’Église dût en quoi que ce soit modifier sa marche traditionnelle, il en était un qui, bien qu’il eût été membre de l’Université, professait cette opinion et dont la parole faisait autorité. Il se nommait l’abbé Benzelin. M. Emile Faguet n’hésite pas à dire que ce saint prêtre « avait en horreur » l’œuvre du catéchisme de la Madeleine, lequel, selon lui, « sentait beaucoup trop le siècle. » Nommé curé de cette grande paroisse et à peine installé, il manifesta ses sentimens, non sans quelque dureté. Soit qu’il jugeât nécessaire de mettre un terme à ce qu’il considérait comme défectueux, soit qu’il craignît d’être éclipsé par le catéchiste, il lui enleva la direction du catéchisme de persévérance et le confina dans les fonctions de préparateur à la première communion.

Cette mesure trouva de nombreux approbateurs dans le clergé de Paris, qui semble dans cette circonstance avoir perdu de vue que si les auditeurs attirés par l’abbé Dupanloup et par l’éclat de ses conférences « n’étaient pas venus là chercher la parole divine, ils n’auraient été la chercher nulle part. » C’est sans doute ce que pensait Mgr de Quélen, archevêque de Paris, car on le voit alors essayer de défendre le jeune prêtre auquel il portait la plus vive affection. Mais les tentatives auxquelles il se livra en faveur de son protégé demeurèrent sans résultat.