Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 20.djvu/836

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maître dans sa paroisse, l’abbé Benzelin n’excédait pas ses droits en affirmant en face de l’archevêché son indépendance.

Son attitude donna lieu à des incidens assez pénibles. L’archevêque y coupa court en déplaçant l’abbé Dupanloup. Il ne pouvait faire mieux pour lui.

« Mon petit séminaire, lui écrivait-il, le petit séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet, le berceau de votre cléricature, que vous avez embelli par vos brillantes études et surtout par votre tendre piété, a besoin d’une nouvelle organisation. » Et il lui annonçait qu’il l’avait nommé dans cet établissement directeur préfet des études. C’est avec ce titre que l’abbé Dupanloup rentra dans la maison où il avait été élevé et dont bientôt après il devenait supérieur général. Pendant onze ans, il allait y déployer la volonté énergique, l’activité prodigieuse, le dévouement à la jeunesse, l’éloquence, le don de pénétration, la connaissance des âmes et toutes les qualités admirables que résumait Ernest Renan, alors son élève, lorsqu’en parlant de lui il s’écriait : « Quel bon et grand cœur ! C’était un éveilleur, un excitateur incomparable. »

Si brillant que fût alors l’avenir qui s’ouvrait devant l’abbé Dupanloup, il ne le voyait pas encore tel qu’il put y trouver de quoi se consoler du changement survenu dans sa situation. Il a dit plus tard que ce changement avait été pour lui « un coup affreux. » Néanmoins, ses fonctions nouvelles devinrent bientôt l’unique objet de ses préoccupations, remplirent tout son temps et absorbèrent toutes ses pensées. M. Emile Faguet décrit avec complaisance les multiples incidens de son existence dans la carrière où les circonstances imprévues venaient de le jeter. Il est visible que l’abbé Dupanloup dans son rôle d’éducateur a toutes ses sympathies et qu’il est heureux de le suivre à toutes les étapes d’une profession pour laquelle le futur évêque semblait particulièrement qualifié. Il s’arrête assez longuement, pour notre plus grand plaisir, au pied de la chaire de théologie à la Sorbonne, où l’abbé Dupanloup monta en 1840 et où, durant deux années, « il parla sans un savoir approfondi, sans une grande solidité de doctrine, mais avec cette éloquence entraînante qu’il portait partout. On s’étouffait à la Sorbonne pour entendre ces grandes choses. »

Ce n’était pas le seul titre de l’abbé Dupanloup à la considération dont, à cette époque, il était entouré. Deux ans avant,