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honneur qui devait changer toute sa vie. Toutefois, l’évêché d’Orléans étant devenu vacant, les efforts pour lui arracher son consentement redoublèrent. Le cardinal Giraud, archevêque de Cambrai, intervint et lui déclara que l’acceptation était un devoir. Il le fit en des termes dont la sévérité ne laissait guère place au refus, et Dupanloup céda à l’impossibilité de résister plus longtemps, sous peine de se rendre coupable de désertion. Mais il céda, la mort dans le cœur. Nous en trouvons la preuve dans une lettre qu’il écrivait à une amie :

« Je me hâte de vous dire qu’après huit jours de la lutte la plus affreuse, on vient de m’arracher violemment mon consentement à l’évêché d’Orléans. Je n’ai pas le temps et je n’aurais probablement pas le courage de vous dire ce que me font souffrir mes meilleurs amis en cette circonstance... Je n’ai pas accepté Orléans ; on m’a fait une violence brutale ; je ne puis pas me servir d’un autre mot. »

Ce n’est pas la première fois qu’on voit des hommes, les plus qualifiés et les mieux doués pour accomplir une grande tâche, se défier d’eux-mêmes dans un accès de modestie excessive, s’effrayer des devoirs qu’elle impose, et se croire incapables de la mener à bonne fin. En la circonstance que nous rappelons, la défiance de soi dont faisait preuve Dupanloup était presque une vertu. Mais il devait bientôt prouver à tous ceux qui avaient été les confidens de ses scrupules que, loin d’être au-dessus de ses forces, la tâche qu’il assumait trouverait en lui un ouvrier sans rival.

A la lumière des pages attachantes que lui consacre son biographe, nous pouvons le suivre à travers les multiples incidens d’une carrière qui, durant plus de trente ans, le fixa dans le diocèse d’Orléans où son souvenir reste inoubliable. De nombreuses entreprises s’offraient à son activité, elles étaient un legs de son prédécesseur. Il les aborda résolument, animé de cet esprit de décision qui est la marque de son caractère. On le voit alors se prodiguer non seulement pour répondre à ce qu’on attend de lui, mais encore pour améliorer, compléter et faire tourner à la gloire de l’Eglise ce qui avait été fait avant lui. Il réorganise le séminaire, il crée des associations pour le bien de la religion et le soulagement des pauvres. Les études, dans les écoles ecclésiastiques, sont au même degré l’objet de ses soins. Des conférences, des retraites pour les prêtres placés sous son