Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais comment leur faire oublier, avec tout cela, les traitemens infligés à leurs parens et à eux-mêmes depuis vingt ans, et en premier lieu cette « politique scolaire antipolonaise » dont la susdite réunion de « Hakatistes » posnaniens assurait qu’elle avait « donné jusqu’ici des résultats merveilleux ? »


Oui, en supposant même que l’on réussisse à maintenir les soldats polonais dans l’ignorance de l’admirable perspective ouverte à la Pologne par cette proclamation du généralissime russe ; en supposant que l’on réussisse à s’assurer momentanément leur obéissance par le moyen d’une adroite combinaison de faveurs et de menaces, il n’est pas possible qu’un jour, dans le cœur de ces soldats, ne s’éveille pas le souvenir de la façon dont eux-mêmes et leurs petits camarades ont été naguère torturés, d’âme et de corps, par leurs maîtres d’école. Car le professeur Hasse a beau soutenir que la Prusse fait trop d’honneur aux enfans polonais en les forçant à se « civiliser » dans ses écoles allemandes : ce n’en est pas moins dans ces écoles que s’exerce et se déploie le plus brillamment l’œuvre de « germanisation » telle qu’il la rêve, et nulle autre part, ses compatriotes ne se trouvent aussi à l’aise pour faire sentir à la race « inférieure » la haine sans merci qu’ils éprouvent pour elle. Il faut lire dans le livre récent de M. Nicaise, Allemands et Polonais, la description à la fois très discrète et infiniment angoissante de la lutte qui se poursuit de jour en jour, dans chaque village de la Pologne prussienne, entre le maître ou la maîtresse d’école et les enfans polonais de l’endroit. Je ne crains pas de l’affirmer : les atrocités commises, ces jours derniers, en Belgique et en Alsace-Lorraine par les troupes allemandes n’égalent pas encore la rigueur avec laquelle ces « civilisateurs » attitrés de la jeunesse polonaise ont coutume de contraindre leurs élèves à échanger leur « barbarie » slave contre l’inappréciable bienfait de la « culture » germanique. Ne vont-ils pas jusqu’à leur faire célébrer, — sous peine de côtes brisées ou de trous dans la tête, — les anniversaires de prétendues victoires remportées par la Prusse sur leurs ancêtres polonais : tout de même que, sans doute, ils les forcent à chanter une espèce de « cantique » scolaire que chantaient jadis en chœur, tous les matins, dans les rues de Starnberg, les petits Bavarois de l’école primaire de cette bourgade, — un cantique où j’entendais revenir à chaque instant, par manière de refrain, les mots : Franzosen schlagen, « assommer les Français ? »

Aussi bien ai-je eu, tout récemment, l’occasion de me renseigner d’une manière plus directe sur cette « politique scolaire » de la Prusse