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quantité de poison, que l’on appelle toxine, et qui, résorbé par l’intestin, tue l’individu.

Il y a un fait très curieux dans l’histoire de ce bacille, son électivité pour le tube digestif ; c’est son « port d’attache, » pour ainsi dire. Si l’on inocule ce vibrion chez un animal, quel que soit le lieu d’inoculation, on remarque que l’intestin est toujours atteint. Ceci est dû à la toxine qui se porte, aussitôt formée, dans l’intestin, ou plus exactement qui agit sur l’intestin, quel que soit le lieu d’inoculation (sous la peau, dans les muscles, veines, le péritoine, ou directement dans l’intestin).

Cette toxine, nous l’avons dit, agit sur l’intestin, c’est là sa première action ; en second lieu, elle agit sur le système nerveux central. La rigidité des agonisans, l’hypothermie (32°, 30° et au-dessous) l’indiquent ainsi que l’élévation de la température (40° et plus) quelques heures après la mort.

On voit immédiatement, d’après cela, que si l’on veut essayer de guérir la maladie, il faut employer un sérum qui combatte l’effet de la toxine, c’est-à-dire un sérum antitoxique.

La toxine sera obtenue en laissant les vibrions pousser plusieurs jours dans le milieu où ils se trouvent ; ils sécréteront alors beaucoup de toxines, et après ces quelques jours, comme ils ont une vie très courte, beaucoup d’entre eux, la majorité, sera morte, et le produit de leurs cadavres sera aussi une toxine. Le mélange de toxines externes et de toxines internes, ou encore d’exo-et d’endo-toxines, qui n’est plus vivant, mais qui est un produit de sécrétion en décadence, sera injecté à des chevaux et le sang de ces chevaux fournira le sérum qui, comme nous l’avons vu précédemment, sera injecté aux malades et produira de bons effets surtout au début de l’affection.


Le problème du choléra est difficile comme tous les grands problèmes de biologie où les facteurs sont toujours et tous instables, jamais définitifs. La guérison entière du choléra n’existe pas ; les grandes méthodes de guérison par le sérum ou de prévention de la maladie par le vaccin sont tout à fait vagues, parce qu’elles n’ont jamais été expérimentées sur l’homme. A priori cela semble étrange ; un remède fait pour l’homme doit être essayé sur l’homme. Finalement, oui, mais on ne commence jamais par là ; si l’on veut établir des bases scientifiques rigoureuses d’une méthode biologique, on est obligé de recourir d’abord à des animaux. Les magnifiques résultats