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de la sérologie ont été obtenus par ces procédés ; autrement, ce n’est que de l’empirisme. Avant d’injecter pour la première fois, chez un enfant atteint du croup, le sérum antidiphtérique qui immortalisera son nom, M. Roux avait fait toutes ses expériences sur les animaux ; elles avaient donné des résultats triomphans ; elles devaient réussir sur l’homme ; elles réussirent.

Prenons le cas du vaccin cholérique. Aux Indes, devant les épidémies foudroyantes qui chaque année tuent des centaines de milliers d’individus, les médecins anglais ont appliqué la vaccination, qui consiste à injecter préventivement chez un individu sain des vibrions cholériques en petite quantité, puis en grande, pour le protéger contre une atteinte éventuelle de la maladie, et en tâtonnant (que d’incertitude dans ces tâtonnemens ! si la dose était trop faible, il n’y avait pas d’immunité ; si la dose était trop forte, il y avait des réactions extrêmement dangereuses et parfois fatales), on arrive à obtenir des résultats qui paraissent, mais sans preuve absolue, probans.

Et pourtant, à cette heure, les statistiques anglaises portent sur plus de 100 000 personnes vaccinées. Il est juste d’ajouter que, dans les Indes, les procédés d’investigation diffèrent des nôtres : et ils ressemblent à ceux que l’on emploierait chez les animaux.

Tel est le cas de cet essai fait dans une prison contenant 2 000 prisonniers. La moitié, prise au hasard, est vaccinée, l’autre pas. Puis tout le lot est envoyé à travailler dans une région contaminée par le choléra. Les sujets vaccinés résistent beaucoup mieux que les autres, c’est-à-dire qu’ils contractent beaucoup moins le choléra et que plusieurs guérissent. Mais ce ne sont point là des procédés courans. Il faut donc tenter ces expériences sur les animaux, c’est là le premier pas à faire.

Or, jusqu’à ces dernières années, il était impossible de reproduire expérimentalement le choléra chez les animaux, et on était arrêté au début de la question. C’était grave, car toutes les autres questions du choléra ne sont que secondaires, absolument accessoires, la clef du problème du choléra résidant tout entière dans la reproduction chez les animaux. Le jour où cette difficulté sera vaincue, on peut dire que la guérison du choléra sera très proche.

On comprend donc la ténacité avec laquelle certains chercheurs ont poursuivi la solution de ce problème. M. Metchnikoff, le premier, a obtenu la reproduction de l’affection par une clairvoyance admirable. A la suite de ses belles recherches sur la flore intestinale, il avait pensé que, si le vibrion du choléra ne paraissait pas dans l’intestin,