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succomber à un empoisonnement intestinal en quelques heures ; peut-être y a-t-il eu quelque substance dangereuse dans la soupe ? Il invite les soldats, au premier symptôme léger, à la plus petite diarrhée, de courir à l’infirmerie pour être soigné. Sur le coup, un très grand nombre de soldats sont pris de diarrhée, et quelques-uns très gravement.

En Bulgarie, pendant la dernière guerre, la mortalité fut de 26 pour 100 (d’après Rosenthal). Dans une ville où la panique provoquée par le choléra fut énorme, la mortalité s’éleva à 50 pour 100, et seulement à 6 pour 100 dans l’hôpital de la même ville.

Enfin, dernier témoignage : on sait qu’un individu venant d’un pays où sévit le choléra peut être très bien portant, et pourtant ses selles, son tube digestif peuvent contenir des vibrions qui ne l’auront point rendu malade. C’est ce qu’on appelle « importeur sain de germes ».

Or, les vibrions seront en quantité beaucoup plus grande dans les selles après l’administration d’un léger purgatif ; d’où la pratique, dans certains lazarets, de donner à toute personne venant de pays cholériques un purgatif, et de rechercher le vibrion ; et dans le cas positif, de l’isoler au lazaret. Or, on a vu un grand nombre de personnes qui étaient tout à fait saines, et sur lesquelles le choléra n’avait eu aucune prise, mourir d’une attaque cholérique rapide, après l’administration d’un tel purgatif.

Voilà une série de faits qui poussèrent les deux savants à aiguiller leurs recherches dans cette voie.

Ils prirent comme animal d’expérience le singe, singe adulte, le Bonnet chinois, venant des Indes anglaises, néerlandaises ou du Japon, et lui donnèrent des vibrions avec ses alimens ; les singes n’eurent aucun malaise, même après avoir absorbé des quantités foudroyantes. Ils firent la même expérience, mais cette fois ils déterminèrent d’abord une légère entérite, une diarrhée tout à fait banale, chez ces animaux, et qui, seule, eût passé tout à fait inaperçue. Mais en mélangeant à leur nourriture, à ce moment, un peu de vibrions, les singes eurent une attaque cholérique absolument typique, ressemblant point par point à celle de l’homme. Les selles si caractéristiques ressemblant à de l’eau de riz étaient présentes, les yeux caves, l’air éteint, la langue hypothermique (température descendant à 22°), le coma progressif, la diarrhée profuse, tout y était.

Mais quelle est la pathogénie de cette affection ? Comment se fait-il qu’une entérite banale prédispose, en temps d’épidémie, au choléra, et soit « l’agent provocateur ? »