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la piété, il a eu des ménagemens qu’il n’a pas toujours eus pour des personnalités éminentes dans d’autres pays. Tel religieux aux idées larges et généreuses a gardé sa confiance et a reçu d’importantes missions. Et tels autres, atteints par un blâme et des mesures du Saint-Siège, n’ont pu s’empêcher de garder quelque sentiment pour le pontife italien. Sentiment touchant et au fond légitime. Pie X a rendu service à l’Italie.

L’Italie sceptique et l’Italie officielle n’ont pas cessé, malgré les difficultés de détail et les témoignages d’une intransigeance qui ne les touchait guère, de regarder d’un œil sympathique le pontificat de Pie X. L’Italie a fini par revendiquer, après sa mort, la gloire italienne d’un Léon XIII ; elle n’a pas eu de peine, sentant qu’elle lui devait de la reconnaissance, à adopter Pie X de son vivant.


Il y a, chez Pie X, un écrivain et un orateur italiens qu’il est bien intéressant d’étudier. L’italien d’un Léon XIII, qui a tant excellé, dans ses lettres, à faire dire de grandes choses à la majesté de la langue latine, c’est un italien académique qui peut sembler celui d’un membre de « l’Arcade. » L’italien du pape Pie X est plus direct ; il révèle son esprit, il jaillit quelquefois de son cœur. Il faut lire, dans le texte original, telle allocution aussi importante par sa signification que des actes plus solennels. Il faut lire telle encyclique que le Pape a rédigée lui-même en italien, notamment ces deux lettres sévères. Il fermo proposito, Pleni l’animo, qui fixent des règles pour l’action catholique et populaire en Italie. Il n’est pas indifférent de lire ainsi l’encyclique Gravissimo, qui condamne et repousse définitivement la loi française de séparation. On a fait remarquer très justement que, dans l’italien, langue où il a été d’abord écrit, on aperçoit mieux les sentimens qui inspirent ce document [1].

Si l’on voulait voir là une simple marque du fait que Pie X a moins connu la France que l’Italie, il faudrait se demander aussi à qui incombe surtout la faute de ce qu’il n’ait pu la connaître davantage. C’est un grand malheur que son avènement ait coïncidé avec le plus haut point de notre politique anti-cléricale,

  1. Maurice Pernot, La Politique de Pie X.