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des catholiques avec les élémens qui pouvaient les aider dans la lutte contre les partis antireligieux. Par là, on entrait dans la politique italienne, ce que Léon XIII avait voulu éviter. On déclarait qu’il pourrait y avoir des « catholiques députés, » mais non des « députés catholiques : » nuance subtile. On recommandait de voter surtout pour les autres, les évêques restant juges, maîtres de donner l’investiture et de décider de la dispense du Non expedit. Le résultat d’un système un peu compliqué a été l’intervention de plus en plus avouée et étendue des catholiques dans les élections ; c’est en réalité leur entrée, qu’il est impossible d’arrêter, dans la politique de l’Italie.

Un rapprochement de fait, plus fort que les protestations et les contestations qui venaient le contredire, s’est établi entre l’Italie et le Saint-Siège, avec le pontificat de Pie X. Et ce rapprochement tacite ne caractérise pas moins ce pontificat pour l’histoire que l’intransigeance doctrinale qu’il a si catégoriquement affirmée. Il a été facilité par nos fautes sans que nous ayons eu le droit et la possibilité de nous plaindre des avantages que l’Italie devait en retirer. Une politique moins aveugle et bornée que celle de la République aurait compris que, pour le jour où le Saint-Siège et l’Italie se rapprocheraient d’une façon quelconque, plus encore dans le cas probable d’un rapprochement indirect, à peine sensible au spectateur lointain, il serait pour nous bien grave de n’être plus représentés auprès du Vatican, de n’être plus en état de causer avec Rome et d’y défendre les intérêts français. Le rapprochement s’est sans doute opéré de lui-même par l’action lente, par le contact et la pénétration des hommes et des milieux. L’histoire dira dans quelle mesure il aura été l’œuvre du pontife qui ne s’y est pas opposé.

Ce caractère italien restera la marque du pontificat de Pie X. Plus d’une des mesures que Pie X a prises, plus d’une de ses directions pour l’Eglise lui ont été peut-être suggérées par ce qu’il savait de certains milieux italiens. Si l’intransigeance mystique qu’on a voulu noter chez lui, en négligeant trop quelquefois le sens ferme et pratique qu’il a manifesté à côté, n’est pas, à première vue, une vertu spécifiquement italienne, l’Italie trouve chez elle plus de facilités pour s’en accommoder. Et Pie X connaît ici la plupart des hommes directement. Pour quelques-uns, dont il lui était impossible de suspecter la foi et