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par des transferts enregistrés sur les livres des banques de dépôt (Joint Stockbanks). La raison principale de cette situation exceptionnelle est que l’Angleterre est restée invariablement fidèle à l’étalon d’or ; elle n’a permis à aucun moment, depuis la fin des grandes guerres du début du XIXe siècle, qu’un doute s’élevât sur la valeur de son unité monétaire. Jamais la livre sterling n’a cessé de représenter un poids d’or certain ; toujours le billet de la Banque d’Angleterre a été remboursable en or, et cela d’autant plus aisément qu’une loi d’émission très rigoureuse (Bank Act de 1844) ne permet de créer des billets, au delà d’une somme de 18 millions de livres (450 millions de francs), représentée par une dette du Gouvernement ou des rentes immobilisées, que proportionnellement aux rentrées de métal dans les caisses de la Banque. Londres est le grand marché international de l’or. De tous les points du monde, les mines lui expédient leur produit : une fraction en est retenue en Angleterre, la majeure partie se distribue parmi les autres pays, selon les cours des changes, selon les positions internationales de débiteurs et de créanciers, selon la politique des grands instituts d’émission, toujours désireux d’accroitre leur encaisse. En ce moment même, les arrivages de métal jaune n’ont pas cessé ; mais l’or reste à Londres, au lieu de se répandre, comme en temps normal, dans un grand nombre de directions.

Ce n’est pas pour l’or seulement que la Cité est le marché régulateur. Grâce au régime du libre échange, dont, malgré les efforts de feu Chamberlain, la Grande-Bretagne n’a pas voulu se départir, une foule de matières premières, objets d’alimentation, métaux, laines, cuirs, cotons, arrivent à Londres et à Liverpool, et s’y vendent aux enchères à des époques régulières, ou bien au comptant au fur et à mesure des arrivages, ou encore à terme, en des bourses organisées à cet effet. C’est ainsi que le cours de l’once d’argent, de la balle de laine, de la tonne de cuivre, de la livre de coton, coté en Angleterre, sert de baromètre universel pour ces matières. Il arrive que des Américains achètent en Angleterre des marchandises produites dans leur propre pays et qui leur sont réexpédiées par des navires anglais. Car, de même que les Anglais ont su créer chez eux un vaste marché pour tant d’objets divers, ils ont, grâce à leur marine, réussi à monopoliser en partie les transports, non seulement