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loi à la Prusse. Napoléon a pu vaincre les Autrichiens et les Russes, mais il n’aura pas raison des Prussiens. « Pour leur assurer la victoire, il ne sera pas besoin de sabres, disent-ils, des gourdins suffiront. » Blücher met le comble à ces vantardises en prédisant que la première rencontre entre Prussiens et Français sera la répétition de Rosbach.

Le roi de Prusse se laisse entraîner par ces excitations. Le 7 octobre 1806, il envoie à, Napoléon un ultimatum exigeant comme première condition l’évacuation immédiate de l’Allemagne et que ce mouvement de retraite commence dès le lendemain. Pour toute réponse. Napoléon fait marcher son armée. La campagne dure trente-neuf jours. Lorsqu’elle s’achève, la Prusse n’existe plus. Plus tard, Henri Heine le reconnaîtra. A Saalfeld, à Iéna et à Auerstaedt l’armée prussienne a été anéantie ; elle a laissé sur les champs de bataille des milliers de morts et de blessés, sans parler des nombreux prisonniers, des canons et des drapeaux tombés aux mains des vainqueurs. L’un des frères du Roi, le prince Louis-Ferdinand, a été tué ; un autre, le prince Auguste, a dû rendre son épée et avec lui la plupart de ces généraux qui s’étaient flattés avec tant de jactance de détruire à jamais la puissance française. Napoléon est entré à Berlin, et la famille royale est en fuite. A dater de ce moment et jusqu’en 1812, le Roi vaincu n’est plus dans les mains de l’impérial vainqueur qu’un jouet condamné à subir toutes ses exigences et tous ses caprices. C’est là ce que la Prusse ne devait plus oublier, et il suffit de rappeler ce tragique souvenir pour faire comprendre comment et pourquoi sa haine est devenue plus ardente et a réveillé ses anciennes convoitises.

Lorsque commence la campagne de Russie, elle est contrainte comme l’Autriche de marcher avec Napoléon. Mais, comme l’Autriche, elle n’attend pour le trahir qu’une occasion propice. Lorsque le destin semble se prononcer contre lui, deux corps allemands abandonnent brusquement l’armée impériale et tournent leurs armes contre elle. Maintenant, le ressentiment prussien, grossi des griefs de l’Allemagne presque entière, ne se contiendra plus. C’est en 1815 qu’il atteint toute sa violence. Le 8 juillet, vingt jours après Waterloo, les armées alliées entrent dans Paris. Les troupes prussiennes sont commandées par le feld-maréchal Blücher, et c’est lui qui se montre le plus acerbe et le plus intraitable de nos ennemis. Il faut l’attitude résolue