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empereur leur a annoncé que l’heure du grand « coup » avait enfin sonné. Ne les avons-nous pas vus, hier encore, ces bruyans renégats de la tradition de Karl Marx, échouer piteusement dans une démarche qu’ils avaient osé tenter auprès des socialistes italiens, — avec l’espérance vraiment folle de décider ces frères des prolétaires opprimés de Trente et de Trieste à s’allier contre nous avec les deux séculaires bourreaux des races « inférieures ? »

Il a suffi d’un souffle de vent pour éparpiller aux quatre coins de l’horizon les cendres de l’ « internationalisme » des « compagnons » allemands ; et par-dessous ces cendres flottantes s’est montrée toute vive l’empreinte de l’éducation « nationale » que nous décrit M, Otto Krille, — celle-là même que des centaines d’instituteurs-tortionnaires s’efforçaient d’imposer sous des coups de gourdin aux enfans polonais, tandis que, d’autre part, je l’entendais promenée harmonieusement par les calmes rues de Starnberg, où chaque matin, devant nos fenêtres, les élèves de l’école locale passaient en chantant, sous la direction d’un jeune maître d’école, un chant patriotique dont le refrain contenait, parmi d’autres articles d’un programme Idéal, les deux mots Franzosen schlagen, « assommer les Français ! » On aimerait à savoir ce qu’est devenu, dans ces « conjonctures, » l’ « internationalisme » de M. Otto Krille ; et jusqu’à quel point le poète socialiste allemand continue à regretter, aujourd’hui encore, que ses anciens maîtres ne l’aient pas assez habitué à nous estimer : mais en tout cas son livre nous renseigne utilement sur la source première d’un grand flot de haine qui, je ne saurais trop le répéter, n’est pas du tout naturel à l’âme allemande. S’il n’est sans doute pas vrai que le maître d’école prussien nous ait vaincus à Sedan, c’est lui sûrement qui ensuite, pendant près d’un demi-siècle, a transformé en une malveillance à la fois méprisante et jalouse l’admiration respectueuse qu’avait toujours inspirée jusqu’alors, à tout cœur allemand, la race « supérieure, » — ou tout au moins « égale, » — des compatriotes de Turenne et de Napoléon.


Et maintenant, il faut que je revienne aux précieux « instantanés » de M. Curt Wigand. J’ouvre la brochure au hasard, et me voici retrouvant par-dessous les observations de mon compagnon de promenade, mille impressions de mes propres séjours anciens à Berlin ou à Francfort ! Le « thème » dominant de la série d’images est, cette fois, ce que M. Wigand lui-même appelle, d’un mot français, la « muflerie » de ses compatriotes :