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les résultats de cette politique qu’il dit avoir réussie, en quoi il se trompe, et qui a fait naître des rancunes, des colères, des revendications inexpiables. Mais quoi ! il faut en prendre son parti et poursuivre l’œuvre entreprise avec un redoublement d’énergie. Y aurait-il, par hasard, un autre droit au monde que les convenances de l’Allemagne ? Si les méthodes employées « donnaient au début plus d’acuité à l’antagonisme des nationalités, certes il fallait le déplorer, mais, dit M. de Bülow, c’était inévitable. Il y a, en effet, dans la vie politique, de dures nécessités auxquelles il faut se conformer le cœur gros, et dont on ne doit pas se dégager par sentimentalité. La politique est un rude métier, dans lequel les âmes sensibles arrivent rarement à produire un chef-d’œuvre. » Soit, mais cela n’arrive pas non plus toujours aux âmes insensibles, et il ne suffit pas qu’elles le soient pour faire des chefs-d’œuvre : ce serait trop facile ! Les mots de rude et de rudesse pullulent étrangement dans la prose de M. de Bülow. Après tout, dit-il encore, avec une résignation aux faits exempte cette fois de toute mélancolie, « dans la lutte des nationalités, une nation est marteau ou enclume, victorieuse ou vaincue. » Cette philosophie politique paraîtra sans doute un peu sommaire : c’est elle qui a porté l’Allemagne à fouler aux pieds toutes les règles du droit des gens. On verra bientôt quelles en seront ailleurs les conséquences ; mais, en ce qui concerne la Pologne, elles ont été immédiates. Des trois parties de cet infortuné pays que se sont partagé au XVIIIe siècle Frédéric, Catherine et Marie-Thérèse, c’est dans celle qui a été dévolue à la Prusse que la proclamation de l’empereur Nicolas devait avoir et a eu en effet le retentissement le plus étendu. Si on s’en étonne, si on en demande le motif, qu’on lise le livre de M. de Bülow.

Nous n’avons encore rien dit du long chapitre qu’il consacre à la France, et nous préférons en parler brièvement. Non pas que nous ayons à nous en plaindre : M. de Bülow s’exprime sur nous avec un très grand air de supériorité, cela va sans dire, — il le fait d’ailleurs sur tout le monde, — mais en somme avec convenance, et même avec une nuance de considération. Il ne trouve pas mauvais que nous subordonnions toute notre politique à des souvenirs qui nous sont douloureux et à des espérances qui nous sont chères : cela même lui inspire un vague respect, où il s’efforce à la vérité de mêler un