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suffisante, le continuateur de Réginon, qui a confondu l’expédition de Raoul, en 923, dirigée contre Saverne que des Allemands avaient occupé, avec une tentative de Charles le Simple pour conquérir Worms, dans la Francie orientale. Si ces argumens sont dénués de toute valeur, nous avons, en revanche, la preuve directe que Charles le Simple était maître de Strasbourg en 913 et l’est resté jusqu’à la mort de Conrad, au moins. Le siège épiscopal fut occupé successivement par trois évêques, Odbert, Godefroi et Ricuin, dont les monnaies portent le nom de Charles et aucune le nom de Conrad. L’un de ces prélats était un neveu du roi de France et un autre son partisan avéré.

Ce n’est que sous Henri l’Oiseleur que figure sur des monnaies épiscopales de Strasbourg le monogramme du souverain allemand, et j’ai montré qu’en effet, il avait usurpé le royaume de Lorraine après 925. L’Alsace qui y était comprise partagea son sort. À partir de 950 environ, elle fut rattachée politiquement au duché de Souabe, mais ethniquement, elle continua à être regardée comme une portion du patrimoine franc qui en avait été indûment détachée par les Teutons. Les rois de France la revendiquèrent au même titre que la Lorraine proprement dite. C’est l’Alsace, du reste, que Louis d’Outremer en 939, Lothaire en 985, envahirent quand ils entendirent faire valoir leurs droits sur l’ancienne France médiane.

Toute l’histoire de France témoigne que ces droits n’ont, depuis lors, jamais été mis en oubli, que jamais ils ne sont tombés en désuétude, et nous pouvons espérer que les grands événemens auxquels nous assistons en deviendront la consécration définitive et glorieuse.

Jacques Flach.