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Une lettre de cette dernière ville annonce qu’on les y attend ; la personne qui écrit demande des lettres de recommandation pour eux.


Vendredi, 25 février.

Le courrier envoyé aux Princes est revenu mercredi soir avec des lettres d’eux si vides et si puériles, que c’est pour en pleurer. Leurs chevaux se sont emportés, leur voiture est brisée, le prince Napoléon a déchiré son pantalon aux genoux... Mais le courrier du Roi a raconté autre chose aux gens de l’office : le prince Napoléon dicte des lettres, donne des ordres et sera bientôt le chef de toute l’insurrection.

Pendant ce temps, le Saint-Père, à Rome, est l’objet de manifestations enthousiastes. Mme Lacroix écrit de Rome que les Transtévérins et les habitans des autres faubourgs détellent ses chevaux et traînent eux-mêmes sa voiture. Le bruit que les Autrichiens auraient franchi le Pô, frontière de l’Etat romain, circule dans Florence, mais n’a pu être encore vérifié.

Au milieu de toutes ces incertitudes, il faut pourvoir à la vie de tous les jours et réduire le train de notre existence à proportion de nos moyens. La suite de la Reine est trop considérable et les domestiques trop grands seigneurs ; dès que nous sommes à l’hôtel, ils ne servent plus et se font servir. Je cherche donc par la ville un appartement. Un Florentin zélé, avec une belle tête et ces beaux yeux italiens qui promettent plus qu’ils ne tiennent, me conseille et m’accompagne. Il me persuade que l’intérêt de la Reine serait d’acheter un casin ; mais elle ne peut s’y résoudre, sachant trop bien, ayant trop bien rappris depuis quelques jours l’impossibilité où elle est de vivre dans le voisinage immédiat de son époux. Ne disait-il pas hier à la princesse Charlotte que, si ses fils ne revenaient pas tout de suite, il leur enverrait sa malédiction ? Voilà de ces mots qui blessent le cœur d’une mère plus cruellement que la pointe d’un poignard. Il la harcèle de lettres, il la pousse à cette expédition dangereuse, qui mettrait toutes les chancelleries aux champs, et va si loin dans l’ignorance ou le mépris de toute politique qu’il sollicite le secours des ministres d’Autriche pour se faire rendre ses enfans. La Reine n’a garde d’adresser à cet endroit une demande aussi inutile et aussi humiliante. Mais, dans la