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D’autres bruits, dont on n’a pu découvrir la source, que le retard des courriers, arrêtés par la neige, ne permettait pas de vérifier, mais qu’enfin la Reine ne demandait pas mieux que d’accepter sans contrôle, circulaient dans Florence et donnaient à croire que Napoléon II avait été proclamé à Paris. Sur cette espérance, l’agréable passe-temps de notre soirée fut de faire le plan d’un retour en France et de recomposer cette maison de la Reine qu’elle était prête la veille à congédier !

L’arrivée de M. Saladin, le lendemain, devait nous apporter un désenchantement cruel. Il venait de Bologne, chargé par le gouvernement provisoire d’une mission pour celui de Paris et s’exprimait sur ses commettans en termes qui laissaient peu d’illusions sur leurs moyens d’action et sur leurs chances de succès. Point d’argent, point de soldats, point d’armes, à peine une poignée d’hommes commandés par le général Zucchi. Tels étaient les gages qu’il pouvait offrir à Paris, et, de plus, il partait trop tard, car déjà les Autrichiens étaient entrés dans Parme, où le mouvement insurrectionnel avait piteusement avorté. Quant à Modène, il n’avait pu traverser cette ville, dont il avait trouvé les portes fermées. Le gouvernement provisoire modenais en était sorti précipitamment pour se réfugier dans Bologne. Le canon tonnait ; le duc de Modène, assisté de son frère, l’archiduc Maximilien, marchait avec deux mille impériaux pour reconquérir ses Etats.

Le 8, une visite de cette jolie marquise Zappi, née Poniatowski, avec qui nous avions dîné chez l’oncle Baciocchi, confirma ces mauvaises nouvelles. Comme elle était enceinte, son mari voulait la mettre en lieu sûr ; il craignait aussi que le zèle avec lequel elle a travaillé aux drapeaux et aux cocardes ne la désignât aux insultes des Autrichiens.

Le 6, lors de son départ de Bologne, nos deux Princes y étaient déjà depuis plusieurs jours. Appelés à Ancône par Armandi, ils s’y étaient docilement rendus le 3 et avaient fait preuve d’une entière soumission à leur général, en exécutant encore l’ordre qu’il leur donnait de se retirer à Bologne.

Une lettre d’Armandi à la Reine a rapporté ce trait avec admiration. « Un jour, écrivait-il, il faudra bien qu’on appelle vertu ce qui est vertu et toutes les diplomaties du monde n’y changeront rien. » Il venait d’être fait général par le gouvernement provisoire à la suite de la prise d’Ancône, rendue sans