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ministre anglais, lord Seymour. Cet excellent jeune homme, appelé par un billet d’elle, vint dans l’après-midi du 9. Il avait deviné qu’il s’agissait des Princes et, les croyant déjà revenus, s’ingéniait à chercher dans quel coin de son appartement il pourrait bien les cacher. Ses premiers mots furent pour dire qu’il était décidé à faire tout ce que la Reine lui demanderait, et quand il sut ce qu’on attendait de lui, il répéta tout aussitôt : « Oui, Madame, je le ferai, quand je devrais y perdre ma place. » Il fut convenu que je m’adresserais à lui par lettre, en nommant comme une connaissance commune à lui et à moi cette dame Hamilton pour laquelle il était demandé un passeport ; je signerais d’un nom anglais quelconque ; il aurait de la sorte un papier à montrer aux ministres dont les visas étaient nécessaires, ceux de France et de Piémont.

Le jeudi 10, j’étais seule quand il revint, nous apportant le passeport. Je le remerciai avec effusion et le trouvai en tout si bon, si simple et si franc que j’en avais les larmes aux yeux. Il ne me cacha pas que les Princes couraient le plus grand danger, que les Autrichiens feraient tout au monde pour les prendre, qu’une lettre de Rome qu’il venait de voir ne lui laissait aucun doute à cet égard. Je compris que cette lettre était de M. de Lutzow, ambassadeur d’Autriche. Grand partisan de l’intervention, il s’était précédemment réjoui de la présence des Princes à la tête des insurgés. Il y avait là, disait-il, un casus fœderis, et sa cour n’était plus libre désormais de ne pas intervenir. Ces paroles avaient été redites par le roi Jérôme à M. de Stölting, et elles avaient été cause des extraordinaires et inutiles précautions prises par le général Armandi pour que les sujets autrichiens résidant dans les Légations et dans les Marches ne souffrissent en rien de l’insurrection.

La Reine paraissant, lord Seymour l’engagea vivement à partir, mais sans répéter devant elle tout ce qu’il avait dit devant moi. Les raisons furent seulement que les Autrichiens étaient en marche, que leur flotte quittait Comacchio pour longer la côte et pour accompagner leurs troupes en marche vers Ancône. La Reine n’en demandait pas davantage, son parti était pris d’avance de quitter Florence dès que l’intervention autrichienne se produirait.

Elle se munit aussitôt d’un second passeport, sous son nom propre, à destination d’Ancône. De la sorte, elle avait en mains