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deux sauf-conduits, l’anglais et le toscan, ce qui la laissait libre de choisir l’instant où elle prendrait l’incognito. Cette substitution devait se faire à Sienne, à la faveur d’un circuit qu’elle tracerait par cette ville, en sorte que, sortie de Toscane duchesse de Saint-Leu, elle y rentrerait par l’autre route sous le nom de Mrs Hamilton.

Le courrier Rosselli, parti aujourd’hui à midi, va soi-disant commander les chevaux pour nous jusqu’à Ancône et retenir un vaisseau pour Gorfou. En réalité, il doit joindre nos princes et les amener au rendez-vous que leur mère leur assigne à Foligno. Cette ville, où se croisent les routes du Furlo et d’Ancône, est également à leur portée de quelque côté qu’ils viennent.

La journée se passe pour moi à écrire des lettres, à courir chercher de l’argent chez le banquier, à donner mes instructions à Cailleau que nous laissons ici, toujours boitant de sa sciatique, et à faire mes paquets.


Foligno, 18 mars

Comme le roi Louis donnait très fort dans le projet d’Ancône, il a fait tout ce qui dépendait de lui pour hâter notre départ. Il nous a prêté sa voiture, la calèche verte n’ayant pas encore été renvoyée de Rome par M. de Bressieux. Le 11 au soir, nous y avons pris place, la Reine et moi, tandis que Cailleau montait dans la deuxième voiture. Il s’agissait non pas de quitter Florence, mais seulement d’en sortir, pour y revenir aussitôt. La Reine voulait avoir un visa sur le passeport de Mrs Hamilton, pour être en règle à Sienne quand nous y repasserions. Il fallait pour cela faire une fausse sortie dont la manœuvre était assez risquée, car comment faire comprendre qu’on pût sortir par la porte Santa Croce pour se rendre à Londres ? L’homme de la police en faisant la remarque, la Reine dit que nous allions passer quelques jours dans une villa aux environs de Sienne. Cette réponse le satisfît et il rendit le passeport sans autre difficulté.

La rentrée dans Florence s’est faite à la dérobée séparément pour les deux voitures et non pas par la porte Santa Croce, mais par deux autres dont j’ignore les noms. A la première, il nous a fallu dire que nous avions fait mettre les chevaux à la voiture pour les essayer ; qu’ainsi nous revenions après un tour de promenade et sans passeport. Cailleau, qui perdait à dessein une demi-heure sur nous et traînait en arrière dans quelque auberge,