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minutieux détails sur les chemins détournés qui mènent à Sienne, en partant de Pérouse, et sur les points où l’on peut s’y procurer des chevaux.

M. Guardabassi est un grand bel homme, à la figure intéressante ; plein de zèle, sinon d’espérance, pour la cause qu’il soutient. Son père a perdu la vie dans la révolution de 1798, lors de la fondation de cette éphémère république romaine que le Directoire n’a pas su soutenir. Il convient que, cette fois encore, les constitutionnels ne peuvent rien sans le secours français ; ce secours n’aurait pas manqué à l’Italie, si les Bonaparte régnaient encore sur la France ; mais Louis-Philippe l’accordera-t-il ? Quoi qu’il arrive, M. Guardabassi s’estime satisfait d’avoir obéi à la voix de sa conscience, et, bien qu’il doive peut-être payer de sa tête la hardiesse de son acte, il s’en console en pensant que ses quatre enfans en bas âge profiteront au moins du résultat.

Le comte Pepoli est un jeune homme de vingt-cinq ans, d’une taille moyenne, avec de beaux traits réguliers qui se voient sous sa barbe abondante et sous ses longs cheveux. Sans lien de parenté avec la marquise Pepoli, tante de nos princes et fille de la reine de Naples, il a, comme M. Guardabassi, du charme, de l’autorité, mais avoue les mêmes doutes quant au succès final de son parti. Serait-ce que tous ces hommes de mérite, incapables de faire marcher les affaires, n’ont de talent que pour eux-mêmes, non pour les autres, et que leurs valeurs se perdent dès qu’elles sont mises en commun ?

Ce doute me vient et le frisson avec, dans ma sombre et froide chambre d’auberge, à Foligno. Nous y arrivons de bonne heure le lundi 14 ?

La Reine se réjouit d’occuper, à côté de la mienne, la chambre même où couchaient ses deux fils. Les visiteurs assiègent aussitôt sa porte. C’est d’abord un poltron, tout tremblant, qui dit être le secrétaire de la commission provisoire, homme à lunettes, fort sale, et fort laid. Le général Sercognani au contraire est un fier-à-bras plein d’aisance et d’assurance ; il n’a pris que le temps d’accourir de Terni, dès qu’il a su que la Reine était ici.

Ancien lieutenant-colonel dans le corps d’armée du prince Eugène, il est depuis plusieurs années l’hôte familier des Montfort et des Rovigo. Il contribua à révolutionner Pesaro aux premiers