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toutes les assemblées humaines, semble amorti, dans les conclaves, par une certaine préoccupation de synthèse ; elle atténue les contrastes, elle domine les divergences ; elle place la tiare sur le front de Mgr della Chiesa, dont l’élévation cardinalice fut l’une des suprêmes décisions de Pie X, et dont la jeunesse et l’âge mûr avaient été ardemment et fidèlement dévoués au service du cardinal Rampolla.

Voilà moins d’un an que le cardinal Rampolla, sur qui le monde chrétien n’avait jamais cessé de fixer les yeux, était, dans sa retraite de Sainte-Marthe, emporté par une mort soudaine ; et celui qui, vingt ans durant, l’avait incessamment secondé, d’abord dans la nonciature de Madrid, puis à la secrétairerie d’Etat, occupe aujourd’hui la Chaire de Pierre. Voilà onze ans que les cardinaux, après avoir solennellement promis d’élire celui d’entre eux qu’ils jugeraient le plus digne, furent gênés dans leur imprescriptible liberté par un méfait de l’Autriche ; et cette puissance, aujourd’hui, voit monter sur le trône pontifical, pour observer, du haut de cette cime, les remaniemens prochains de l’Europe, le diplomate qui se fit naguère un devoir de réaliser au jour le jour les visées diplomatiques du Cardinal Rampolla, de s’assimiler ses directions, de les énoncer, de les appliquer.

On peut dire qu’avant d’être archevêque de Bologne et puis Pape, Benoît XV fut à même d’étudier de très près toutes les questions européennes et de mesurer avec une agile perspicacité l’inévitable répercussion politique de toutes les démarches pontificales. Il nous faut un pape religieux, et uniquement religieux, disent de temps à autre quelques publicistes. Sous des apparences parfois édifiantes, cette conception du « Pape religieux, » si Dieu permettait qu’elle se réalisât, interdirait au Souverain Pontificat de jeter un regard sur le jeu des affaires humaines ; elle ne le rapprocherait du Ciel et ne le consacrerait aux choses de Dieu que pour qu’il laissât la terre tranquille ; elle condamnerait le Vicaire du Christ à se désintéresser de la vie de l’humanité. Tout comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, le « Pape purement religieux, » dont rêvent certains esprits singulièrement éloignés des vraies traditions romaines, ferait de la politique sans le savoir ; et ce serait, par cela même, de la mauvaise politique.

Ce Pontife, à supposer qu’il pût exister, serait un Pontife