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d’y aspirer ? Les bonnes volontés qui désirent s’unir pour le bien d’un pays possèdent toutes ensemble, — l’histoire de ces deux derniers mois nous le prouve, — une force merveilleuse qui brave et supprime l’obstacle ; c’est à cette force souvent inconsciente d’elle-même, c’est à cet instinct d’union, à ce besoin collectif de relèvement moral, que Mgr Ferrata faisait appel, lorsqu’au nom de Léon XIII, il recommandait à ses visiteurs catholiques un terrain d’union plus large que le terrain proprement confessionnel.

Léon XIII et le cardinal Rampolla trouvaient dans ce prélat un interprète sagace, tout naturellement prédisposé, par ses expériences de Suisse et de Belgique, à comprendre l’œuvre qui se tentait en France, à la préciser et à la servir. Mgr Ferrata n’était pas homme à ramener la politique ecclésiastique à des discussions purement juridiques, à des tournois entre le droit canon et le droit de l’Etat ; il estimait que des esprits convaincus de la loyauté de l’Eglise et de la portée civilisatrice de sa mission devaient laisser s’émousser en eux, consciemment ou inconsciemment, les préjugés qui peut-être les avaient écartés d’elle ou même armés contre elle. Eclairer l’interlocuteur, faire en quelque mesure son éducation : c’était le premier soin du Pape Léon XIII, au début de toutes les négociations qu’il entreprenait. Mgr Ferrata fut l’auxiliaire par excellence de ce genre de politique : politique tirée de l’Evangile ; charitablement préoccupée de ne pas éteindre les mèches qui fument encore ; sévèrement soucieuse, enfin, de maintenir dans toute son intégrité le rayonnement de l’institution catholique et de la défendre contre ce pharisaïsme usurpateur qui, sous l’apparence de monter la garde autour du sanctuaire, repousserait au loin nombre de consciences droites appartenant à l’âme de l’Eglise. Car, cette âme de l’Eglise, telle que la conçoit la théologie la plus sainement traditionnelle, se confond avec la collectivité de tous ces hommes de bon vouloir, « naturellement chrétiens, » que Léon XIII souhaitait comme auditoire ; et c’est ainsi que cette politique, à laquelle certains reprochaient d’être une attitude de « laxisme, » était, en définitive, une œuvre d’apostolat, s’appuyant tout à la fois sur le sentiment des devoirs de l’Eglise et sur la connaissance des besoins des peuples.

Les noms de Mariano Rampolla del Tindaro, de Jacopo della Chiesa, de Domenico Ferrata, sont dès maintenant associés à