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l’histoire de cette grande époque ; ces noms évoquent un passé qui suggère aujourd’hui certaines espérances. Supposons — et cette hypothèse est un vœu — que les circonstances diplomatiques, prévalant enfin sur les partis pris archaïques de la politique intérieure, amènent la République française à rentrer en rapports avec le Saint-Siège : les bureaux du quai d’Orsay reprendront tout de suite avec le cardinal Ferrata, secrétaire d’Etat de Benoit XV, les mêmes rapports courtois et cordiaux que Mgr Ferrata, nonce de Léon XIII, entretenait avec eux. Se retrouvant en face d’un tel interlocuteur, ils auront l’impression, non pas d’inaugurer une conversation, mais de la continuer ; et sur l’entretien ne planera pas le souvenir d’une brouille, mais le sentiment d’une amitié retrouvée, et que les événemens avaient interrompue, plutôt que rompue.


Demain appartient encore aux armées ; après-demain appartient aux Congrès. Le nouveau Vicaire du Christ, défiant du haut de son magistère la triste nécessité de la guerre, a tout de suite fait retentir, parmi les échos des canonnades, des paroles de paix : Léon XIII eût aimé ce langage.

Il y a quinze ans, Léon XIII ressentit une grande douleur lorsque, sur la demande d’un ministre italien que désapprouvèrent les publicistes les plus écoutés de la péninsule, la Conférence de La Haye demeura close au représentant du Saint-Siège. Le gouvernement du Pape, comme tous les autres gouvernemens, était périodiquement admis à dire son mot dans les réunions internationales pour la protection légale des travailleurs ; un délégué de la Chaire de saint Pierre était convié à s’y asseoir, à côté des sociologues expédiés par les divers pays. C’était une sorte de reconnaissance du concours que l’humanité du XXe siècle peut attendre du Souverain Pontificat pour l’avènement d’une certaine justice sociale. Mais lorsqu’il s’agissait de réaliser cette autre justice, la justice internationale, le successeur des Grégoire VII, des Alexandre III, des Innocent III se trouvait condamné au silence. Il avait vu les gouvernemens de Madrid et de Berlin réclamer sa médiation dans l’affaire des Carolines, ; en lui semblaient s’être réincarnés les lointains Pontifes dont la voix haute et grave dominait les discordes