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billets de banque, une somme dépassant les dépenses courantes à prévoir pendant quelques mois ; et encore ce montant peut-il, sans le moindre danger, être considérablement réduit ; les banques, dès maintenant, ouvrent à leurs cliens des comptes pour lesquels elles renoncent à se prévaloir de la clause du moratorium et dont la totalité est, à tout instant, à la disposition du titulaire. Ceux qui ne veulent pas faire confiance aux sociétés de crédit n’ont qu’à demander l’ouverture d’un compte à la Banque de France et à lui verser leurs disponibilités, qui ne sauraient être sous une meilleure garde. Il faut que la thésaurisation irraisonnée et excessive cesse : en se prolongeant, elle constituerait pour notre société un retour à l’état primitif, dont les efforts de la civilisation nous ont éloignés peu à peu.

La monnaie, qui jadis était le seul moyen d’effectuer des paiemens, ne doit servir aujourd’hui que d’appoint dans le règlement des transactions humaines. Tout le reste se fait par le crédit. Crédit veut dire confiance. Ne craignons pas de l’accorder à nos grandes banques : elles ont été surprises par la soudaineté et l’énormité des demandes qui leur ont été adressées, mais elles vont retrouver leur équilibre et aideront à rétablir la marche normale de notre mécanisme économique, instrument indispensable à la continuation de notre effort militaire. La mobilisation de l’armée s’est opérée dans des conditions merveilleuses d’ordre et de régularité. Il faut que la mobilisation financière ne lui soit pas inférieure. Aidons de tout notre pouvoir ceux qui ont la charge redoutable de l’organiser. Sur ce terrain comme sur le champ de bataille, nous ne pouvons être victorieux qu’en agissant dans l’intérêt général et en faisant abstraction de tout égoïsme particulier. Que chacun soit pénétré de cette vérité, et une grande partie des difficultés de l’heure présente se résoudront d’elles-mêmes. Depuis plus d’un siècle le crédit de la France n’a jamais été mis en doute : appliquons-lui la fière devise de nos alliés anglais, et répétons : « Je maintiendrai ».


RAPHAËL-GEORGES LÉVY.