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directes et moins onéreuses que la violence pour arriver au but. L’Allemagne sera donc, tour à tour, ou plutôt simultanément, menaçante et affable. L’amabilité elle-même peut être efficace, lorsqu’elle repose sur la haine, le mépris et la toute-puissance.

C’est donc, avant tout, la puissance qui importe. L’Allemagne doit posséder des armemens supérieurs à ceux de toutes les autres nations. La raison en est simple. L’Empire allemand est le rocher de la paix, der Hort des Friedens. Toutes les forces qu’il accumule ont pour objet unique d’imposer aux hommes la paix allemande, la paix divine. Puisque l’Allemagne représente la paix, quiconque s’oppose à l’Allemagne a en vue la guerre. Or, il est légitime que l’Allemagne s’arme le plus possible, parce qu’elle incarne la paix. Mais les adversaires de l’Allemagne, qui, s’opposant à l’Allemagne, s’opposent à la paix, ne sauraient avoir le même droit. L’Allemagne a le devoir de porter ses armemens au maximum. Les autres peuples n’ont le droit d’armer que dans la mesure où l’Allemagne les y autorise.

L’Allemagne ne cherche pas la guerre ; elle s’efforce, au contraire, en inspirant la terreur, de la rendre impossible. Mais, si quelque nation profite, ou est susceptible de profiter de son amour de la paix pour faire valoir des droits qui la contrarient, elle se résigne à sévir. Elle est affligée de la violence qui lui est faite et des rigueurs dont il lui faudra user envers la coupable ; mais, soldat de Dieu, elle ne peut faillir à sa mission. Une nation qui se refuse à faire la volonté de l’Allemagne prouve, par là même, son infériorité « culturelle, » et se rend coupable : elle doit être châtiée.

La méthode suivant laquelle l’Allemagne fera la guerre est déterminée par ces données. La guerre est le retour à l’état de nature. L’Allemagne se résout à cette rétrogradation temporaire, parce qu’elle a affaire à des peuples d’une culture inférieure, à qui il s’agit de donner une leçon, et parce qu’il importe de leur parler un langage qu’ils comprennent. Or, ce qui caractérise l’état de nature, c’est que la force y règne sans partage. Dans ce trait même réside la beauté sublime de cet état, sa grandeur et sa fécondité. Qu’on ne vienne pas nous parler de cette romanesque chevalerie qui prétendait, à la guerre, tempérer la violence des instincts malfaisans par l’intervention d’une sensiblerie féminine. La guerre est la guerre, Krieg ist Krieg. Ce n’est pas un jeu