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à supporter temporairement une légère perte nécessitée par le déplacement de ses capitaux. Les caisses d’épargne allemandes abandonnent à cette occasion et dans la mesure du possible toute restriction en ce qui concerne le retrait des capitaux. »

Ce n’est qu’à l’intérieur du pays que le placement peut être tenté. Il n’y a pas à y songer sur les places étrangères. Celle de New-York en particulier, qui a été pressentie, a fermé ses portes à cet emprunt, comme à tout autre d’ailleurs émanant de l’une des puissances belligérantes. Il ne faudrait pas compter comme souscriptions du dehors celles du genre facétieux qui ont été inaugurées de la façon suivante : une maison suisse de Saint-Gall, qui avait expédié des marchandises à son correspondant allemand et qui en réclamait le paiement, reçut de lui la réponse suivante : « Il nous est défendu de faire sortir de l’argent hors des frontières. Nous avons en conséquence employé la somme dont vous êtes créditeur chez nous à souscrire un montant égal du nouvel emprunt. Nous sommes heureux d’avoir ainsi pu vous assurer un excellent placement. » Tout commentaire déflorerait cette trouvaille : voilà un mode de classement de titres dont les financiers ne s’étaient pas encore avisés.

Le gouvernement s’est efforcé, par tous les moyens possibles, d’attirer des souscriptions. Les caisses d’épargne, qui ont environ 20 milliards de dépôts, ont annoncé que ceux de leurs cliens qui voudront souscrire pourront retirer la totalité de leur avoir, les caisses renonçant à leur opposer la clause de sauvegarde qui ne permet que des retraits successifs et partiels. La Reichsbank (Banque de l’Empire) et les caisses de prêts nouvellement organisées (Kriegs darlehenkassen) élèvent à 75 pour 100 de la valeur le montant qu’elles sont prêtes à avancer sur fonds allemands, notamment sur les nouveaux titres. Les journaux ont été remplis d’articles invitant les habitans de l’Empire à lui apporter leur argent et ont pris à tâche de leur démontrer qu’ils ont là l’occasion de faire une affaire excellente en même temps qu’une œuvre patriotique. D’après les communiqués officiels, les bons auraient été souscrits, et il aurait été demandé 2 500 millions de rente consolidée : la majeure partie l’a été par des établissemens publics agissant selon les ordres du gouvernement. Dans les pays neutres, en Suisse notamment, on est sceptique au sujet de la sincérité des résultats annoncés.