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Le commerce extérieur de l’Allemagne avait progressé plus rapidement que celui d’aucune autre nation. Il n’est pas besoin d’insister sur le tort que lui causent la fermeture des mers et l’interruption des services de ses lignes de navigation. Ses exportations lui étaient nécessaires pour lui fournir les moyens de payer une partie de ce qu’elle importe, notamment les objets d’alimentation dont elle a besoin : la production indigène ne suffit pas à assurer la subsistance de ses 67 millions d’habitans. Ses industries sont arrêtées ou ralenties dans une énorme proportion. Bien qu’une fraction notable de la population ouvrière soit sous les drapeaux, il n’y a pas assez de travail pour ceux qui restent. Dès le commencement de septembre, le journal berlinois le Vorwaerts écrivait : « Nous avons déjà des centaines de mille, des millions de sans-travail. Si nous ne réussissons pas à atténuer cette crise dans les masses profondes de la population, et à sauver d’une effroyable misère ceux qui n’ont pas été envoyés à la frontière, nous nous exposerons à des dangers tout aussi considérables que la défaite de nos armées. Jusqu’à présent, tous les efforts tentés en ce sens n’ont eu qu’un résultat modéré. A la fin du premier mois de guerre, le point noir de la situation est cette crise économique. »

Le règlement des échanges internationaux qui se faisait pour une fraction par des banques indigènes, pour la majeure partie par des établissemens étrangers, surtout anglais, est arrêté ; et c’est avec dépit que les Allemands constatent que, sans la place de Londres, ils sont incapables de mener à bonne fin la liquidation des affaires engagées par leurs compatriotes sur différens points du globe.

A cette question du commerce et de la navigation se rattache celle des colonies. Elles n’ont jamais été un fleuron bien brillant de la couronne germanique. Assez tard venues dans son domaine, elles semblent avoir été créées un peu au hasard, par la prise de possession des derniers territoires qui restaient vacans, après que les deux grandes Puissances coloniales de l’Europe se furent taillé leur part en Afrique, en Asie et en Océanie. Dans leurs diverses possessions, nos ennemis n’ont pas plus réussi à se concilier les populations indigènes qu’ils n’ont su se faire aimer en Europe. Ils semblent, là comme ailleurs, n’avoir eu confiance qu’en la force brutale : aussi leurs territoires tombent-ils, comme les fruits mûrs d’un arbre,