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LA GUERRE VUE D’UNE AMBULANCE

La vraie ambulance est celle qui opère sur les champs de bataille. Mais les maisons hospitalières qui prolongent et complètent son œuvre, qui reçoivent ses blessés et qui les guérissent, ont quelque droit aussi à ce nom évocateur de beaux dévouemens. Ecarté de la première par l’insuffisance de ses forces, c’est dans l’une des secondes qu’a pu travailler, à titre d’aumônier, l’auteur de ces lignes. L’ambulance américaine de Neuilly possédant les moyens d’aller les chercher elle-même jusque sur le front, a été l’une des toutes premières à recevoir des blessés. Le front, du reste, quand elle s’ouvrit, au début de septembre, n’était que trop rapproché de nous. On y allait le matin, on en revenait avant le soir. Les notes jetées ici jour par jour donneront donc de la guerre une vision assez directe. A leur modeste place, elles pourraient compléter les Impressions d’un combattant. Elles n’en offriront pas l’héroïque entrain ; mais elles rappelleront sous un autre aspect les mêmes actes de courage ; et si de la bataille elles reflètent plutôt les épreuves que la gloire, il n’y a pas lieu de le regretter. L’amour de la guerre pour elle-même est si peu dans le fond de nos âmes que le grand crime dont nous accusons l’Allemagne est de l’avoir rendue fatale et ensuite déchaînée. Pour n’avoir pas voulu la guerre, pour ne chercher qu’à en délivrer le monde et à l’extirper jusque dans ses causes, les peuples civilisés ne se battent pas aujourd’hui avec moins de courage, ni avec moins de résolution. Dans cet effort sacré, ils ne peuvent puiser qu’une vigueur nouvelle à contempler de près les souffrances, noblement acceptées, des victimes des champs de bataille.