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diverse, » dit, après Gœthe, M. Maurice Barrès qui ne s’offensera pas qu’on le nomme à la suite de ce troupier. Il est celui qui, chez nous, a le mieux parlé de l’Alsace, qui nous a appris à la voir, qui lui a presque appris à se voir elle-même dans la situation que le sort lui avait faite. « Demeurez, a-t-il dit aux Alsaciens, comme un caillou de France sous la botte de l’envahisseur ; subissez l’inévitable, et maintenez ce qui ne meurt pas. » L’Alsace a subi ; elle a maintenu. D’avoir un jour donné ce conseil, indiqué ce devoir à l’Alsace-Lorraine, c’est l’honneur d’un tel écrivain ; il est juste qu’on ne puisse parler d’elle aujourd’hui sans prononcer son nom.

Sur la montagne de Sainte-Odile, qui avait inspiré à Taine une méditation célèbre, à M. René Bazin, dans les Oberlé, une description d’un charme touchant, M. Barrès nous a présenté l’Alsace et la doctrine alsacienne vues du plus beau belvédère alsacien. Ces pages ont paru d’abord ici-même. Elles sont la partie capitale et essentielle de ce livre : Au service de l’Allemagne, dont la publication marque une date dans la façon dont l’Alsace a été comprise et sentie en France[1].

« La magnifique Alsace, toujours pareille et toujours diverse, » en vérité, il n’y a pas autre chose à dire d’elle, sous quelque aspect et à quelque époque qu’on l’envisage. C’est bien là l’idée qu’on doit rapporter de toute incursion dans son histoire, à n’importe quelle date de cette histoire. Prenons deux dates, 1814 et 1914. Un siècle les sépare, lui-même séparé en moitiés presque égales, par une date, 1870 : d’un côté, cinquante-six années de paix et de prospérité pour l’Alsace, de dépouillement

  1. Les Bastions de l’Est. — Sainte-Odile (Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1904.) Les Oberlé ont paru trois ans plus tôt dans la Revue. — Pour la description et l’étude du pays d’Alsace, citons d’abord l’incomparable collection de la Revue alsacienne illustrée. On peut toujours utilement recourir à l’Alsace (Hachette, dernière édition, 1913) de Charles Grad (collaborateur aussi de la Revue des Deux Mondes), bon livre d’un bon Alsacien, dont le buste se voit avec plaisir au seuil de sa charmante ville de Turckheim d’où l’auteur part pour son voyage en Alsace. Il faut mentionner le volume de M. André Hallays, À travers l’Alsace, qui offre les indications précieuses d’un goût sûr et délicat, celui de M. Paul Acker, le Beau Jardin, dont des chapitres ont été publiés dans la Revue. On se reprocherait de ne pas signaler deux morceaux supérieurs par la science et la manière de l’exprimer, le chapitre sur l’Alsace (p. 220 et suiv.), dans l’admirable Tableau de la France de M. Vidal de La Blache, la remarquable conférence de M. Camille Jullian (faite à Strasbourg, reproduite dans le numéro de janvier 1913 des Cahiers alsaciens), Ce que l’Alsace doit à la Gaule, où la géographie se mêle à l’histoire, l’une des pages les plus suggestives qu’on puisse lire pour l’étude de l’individualité alsacienne.