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L’ALSACE EN 1814 ET EN 1914.

période où l’Alsace paraît tournée vers l’Allemagne, s’en distinguant toujours essentiellement. Elle est encore plus l’aboutissement de la politique prévoyante et avisée de notre monarchie avec Henri IV, Richelieu, Mazarin, Louis XIV, de l’administration tolérante et éclairée des intendans du XVIIe et du XVIIIe siècle, du prestige et du charme de mœurs françaises qui ont agi sur l’Alsace si fort. Elle est enfin plus encore l’aboutissement de cette période de la Révolution, suivie de l’Empire, capitale comme couronnement de l’histoire d’Alsace dans le sens de l’union à la France. Ce n’est pas que la Révolution, qui a eu en Alsace des caractères originaux et particuliers, y ait été plus douce et plus inoffensive qu’ailleurs. Elle y a eu ses accès de folie, voire de férocité, dont, à vrai dire, les responsables ont été le plus souvent des révolutionnaires venus d’autres régions, ou même de l’étranger, notamment d’outre-Rhin. Mais par tous les souffles d’orage, de liberté et de guerre qui pouvaient mêler l’héroïsme à des sentimens moins purs, elle a été le creuset historique où, dans l’épopée et la tempête, l’Alsace s’est fondue avec la France[1].

Et comme la Révolution peut se montrer en Alsace avec des caractères à la fois généraux et particuliers, les événemens de 1814 se présentent à l’observateur avec une portée générale et une signification très particulière. Le vrai centenaire de 1814, que nous avons commémoré récemment, que l’histoire qui s’accomplit se charge de commémorer avec plus d’éclat, je serais capable de le placer en Alsace. Avec des faits bien plus menus, mais riches d’un sens historique très profond, il s’offre là sur un terrain où nous pouvons être tous plus facilement d’accord. Ailleurs, des événemens complexes et une situation confuse où le jugement hésite devant l’attitude des hommes, des partis, quelquefois de la collectivité d’un pays. Ici, point de partis, point d’intrigues, point d’ambitions qui

  1. Voir surtout l’Histoire d’Alsace de M. Rodolphe Reuss, dans la collection d’histoires provinciales dirigées par M. Albert-Petit. M. Reuss a étudié plus particulièrement l’histoire de son pays pour les deux époques capitales sur lesquelles il a donné ces deux très importantes publications, l’Alsace au XVIIe siècle, l’Alsace pendant la Révolution française. Pour la dernière, on lira aussi sa Cathédrale de Strasbourg pendant la Révolution. On trouve d’excellentes indications sur l’histoire d’Alsace dans la Carte au liséré vert, de M. Georges Delahache, et dans la Question d’Alsace d’Heimweh ; une courte et admirable esquisse se trouve dans une brochure (à propos du livre d’Heimweh) de M. Ernest Lavisse, qui s’est toujours occupé avec amour de l’Alsace, plus spécialement dans ces derniers temps.