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cuirassé Yorck s’est venu jeter en novembre, après la première incursion des Allemands sur la côte anglaise, toujours par temps de brume et alors qu’il ne pouvait distinguer les amers de la portière de ce barrage. Aussi le commandant de cette unité vient-il d’être condamné, pour son imprudence, à deux années de prison.

Retenons en tout cas de l’opération anglaise du 18 décembre que la flotte cuirassée allemande n’est plus dans le canal de Kiel, ni dans l’Elbe, entre Brunsbüttel et Cüxhaven, mais fréquemment, sinon à demeure, au mouillage d’Helgoland. Elle y est là en « position d’attente avant l’offensive, » sous pression, prête à filer ses chaînes et à marcher. Mais elle est aussi en bonne position pour être attaquée, et elle le sait. De grands événemens se préparent de ce côté-là, il me semble...


Peut-être n’en est-il que temps, pour en finir avec l’obsession des sous-marins allemands, qui paraissent, vraiment, s’être emparés de la Manche. Ne viennent-ils pas, au moment où j’écris (3 janvier), d’y détruire un cuirassé anglais, le Formidable, celui qui opérait d’abord sur la côte de Belgique et que, — on se le rappelle [1], — j’y trouvais fort exposé, par sa taille et par les circonstances hydrographiques autant que par le voisinage de Zéebrügge, à des attaques du genre de celle à laquelle il vient de succomber ? Mais, en fait, le Formidable n’était plus du côté de Nieuport. C’est aux environs de Startpoint, non loin de Plymouth et presque à l’autre bout de la Manche, qu’il a reçu les deux torpilles automobiles, — l’une à l’avant, l’autre à l’arrière, — qui l’ont coulé. Ce déplorable événement, qui prive nos alliés d’une unité de valeur, encore qu’un peu ancienne, et surtout de 5 575 marins éprouvés, montre bien quelle extension donne au rayon d’action, assez faible, des sous-marins, la création d’une base intermédiaire aussi bien placée que Zéebrügge. Cette création, je l’avais annoncée d’avance [2], dès la prise d’Anvers et le débordement du flot germain sur la côte belge. On m’a traité, à ce sujet, de pessimiste. Plût au ciel que j’eusse pu prévoir ce malheur, — assez relatif, du reste, — de plus loin, et surtout qu’il eût été possible de faire plus tôt et plus longtemps ce que l’on a fait un peu plus tard, et pas

  1. Voyez la Revue du 1er décembre.
  2. Voyez la Revue du 1er novembre.