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administratives de Trieste. La ville fut évacuée en un tournemain. L’amusant est que, comme rien ne paraissait, les autorités autrichiennes rentrèrent enfin dans la ville, déclarant qu’on avait voulu faire « un exercice d’occupation des hauteurs voisines. » A la bonne heure !

Pendant ce temps, un de nos sous-marins, le Curies avait eu l’habileté de suivre à quelques mètres, peut-on dire, un sous-marin autrichien qui rentrait à Pola et qui le guidait, sans s’en douter, au travers des lignes de mines de la défense. Ce coup d’audace méritait de réussir. Il a échoué. La portière d’un dernier barrage, constituée par des filets à mailles d’acier, s’est dérobée au moment où l’Autrichien venait de la franchir. Notre Curie embarrassé dans le filet a dû remonter à la surface au bout de quelques heures, alors que déjà des hommes avaient péri par asphyxie. Le reste de ce brave équipage a été fait prisonnier, et le sous-marin détruit. Un autre réussira.

Si l’on en croyait la presse de la péninsule, l’apparition fort inattendue d’un sous-marin français en rade de Pola aurait causé à l’État-major naval autrichien de telles préoccupations qu’il serait question de transférer à Sebenico, sur la côte Dalmate, le point de stationnement habituel de l’escadre cuirassée impériale. Celle-ci, en effet, n’est pas mouillée dans la rade de Pola proprement dite, qui est trop étroite, mais dans le canal de Fasana qui s’étend, au Nord-Ouest du port, entre la côte d’Istrie et le groupe des îlôts Brioni. C’est de là que partit, le 19 juillet 1866, la flotte qui, le lendemain, allait combattre devant Lissa.

Or si l’on a facilement pu tendre des lignes de torpilles automatiques ou électro-automatiques à l’orée du canal de Fasana, il n’est pas aussi aisé d’y créer le barrage en filets d’acier qui apparaît comme le seul obstacle sérieux que l’on puisse opposer à un sous-marin entreprenant. Cet orifice d’entonnoir a, en effet, plus de 3 000 mètres. Le grand Brioni et la côte ferme sont bien armés, — fort Tegetthoff, batteries Turulla et Fasana,. — mais les canons n’ont de valeur que contre les bâtimens qui naviguent en surface. D’autre part, à Sebenico, l’escadre serait bien « en l’air, » à 115 milles, ou 210 kilomètres de sa base principale, avec de faibles ressources, quoique ce port soit le chef-lieu du IIe arrondissement maritime : pas de grand bassin de radoub, des défenses extérieures insuffisantes