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instrumens de sa prospérité, de sa sécurité. C’était le vrai mérite de Palmerston, dont Laugel traçait le portrait en 1876. Ce grand ennemi de la France ne connut ni la justice, ni la liberté, ni la morale ; son pays a été la seule passion de son patriotisme, toujours jeune et ardent. Lord John Russel, lui aussi, nous disait-il, l’année précédente, aima l’Angleterre d’un amour assez exclusif pour ne concevoir l’univers que comme l’ouvrier de sa grandeur ; mais il ne sépara jamais sa cause de celle de la justice et de la liberté dont il fut le vaillant et souvent téméraire soldat à l’extérieur et dans le Royaume-Uni.

Laugel, en sa critique historique, se tenait au courant de toutes les publications, mémoires, correspondances, etc., et reconstituait avec leur aide les événemens, les mœurs, les caractères d’autrefois. Si les contemporains l’attiraient souvent parce qu’il se savait mieux éclairé sur eux, les principaux personnages du XVIe siècle ne tardèrent pas à lui devenir presque aussi familiers. Le Duc d’Aumale travaillait de son côté à son histoire des premiers Condé. Assez sûr de sa composition et de sa langue pour n’accepter de ses amis que leurs impressions sur un travail déjà achevé, il les associait cependant à ses recherches dont l’abondante moisson enrichissait encore les belles archives de Chantilly. Auguste Laugel trouvait ainsi le précieux complément des matériaux que lui avait légués Charles de Loménie sur cette même période historique et il réunissait, dans Fragmens d’Histoire et La Réforme au XVIe siècle, des essais consacrés entre autres à Philippe II, à Don Juan d’Autriche, à Alexandre Farnèse, à Jean de Barneveldt, à Catherine de Médicis, à Coligny, au duc de Bouillon, à Jeanne d’Albret, à Eléonore de Roye, à Gustave-Adolphe, etc., parus de 1874 à 1886 dans le Revue, à qui il offrait aussi la primeur des maîtres chapitres de l’important ouvrage consacré à Henri de Rohan. Henri IV, Louis XIII, les guerres de religion, la guerre de Trente Ans, Richelieu, la Cour, les Partis, formaient le fond de cette vaste toile d’où se détachait au premier plan la grande figure d’Henri de Rohan que l’histoire laissait jusque-là dans un jour indécis. « Cependant Rohan avait donné sa mesure, écrit Laugel en sa dernière page. Avec de petits moyens, il avait fait de grandes choses. Parmi les hommes de guerre protestans, il a sa place au-dessus de Coligny, pas bien loin de Turenne, et il ne lui manqua peut-être que l’occasion pour rendre à la France des services aussi