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grands que ce dernier. Qui fut plus fécond en ressources ? Qui sut mieux proportionner les moyens au but, sortir d’un mauvais pas, tromper un ennemi par la rapidité des mouvemens, tenir une troupe allègre ? Qui montra plus de constance dans la mauvaise fortune, et plus de ténacité dans les desseins ? Quand on le voit, pendant les guerres civiles, tour à tour soldat, tribun, négociateur, calme au milieu des agitations populaires, serein dans la bataille, guidé dans la confusion des haines, des jalousies, des trahisons, par la lumière fixe et tranquille de sa foi, ne doutant jamais de lui-même ni de la sainteté de sa cause, disputant le terrain pied a pied, combattant encore le genou en terre et ne s’avouant jamais vaincu, on ne peut lui refuser le caractère du véritable héros. »

Si la science, en la rapidité de sa course, abandonne souvent derrière elle ceux qui dans le passé ont le mieux noté ses progrès, l’Histoire est plus fidèle aux écrivains qui ont fixé ses traits avec autant de vérité que de talent. L’érudition d’Auguste Laugel, experte entre toutes dans l’appréciation et le judicieux emploi des documens, le jeu si vivant des acteurs qu’il met en scène, le coloris et l’émotion de ses récits, l’indépendance de ses jugemens, la philosophie des conclusions, ne lui assurent-ils pas cette fidélité ?

L’Académie française sembla un instant sur le point de lui ouvrir ses portes. Mais elle aurait paru déférer au vœu d’un prince académicien, et celui-ci se serait fait scrupule de l’imposer en le laissant pressentir. Il n’est pas d’amitié et de dévouement qui ne comportent de sacrifices.

L’ingénieur des mines, lui, était nommé membre des conseils d’administration du Paris-Lyon-Méditerranée, des Docks de Marseille, des Mines de la Loire. Il leur apportait, avec le concours de ses lumières professionnelles, la pondération et l’expérience d’une vie qui n’ignorait plus rien des choses et des hommes. Il la vivait vraiment en sage. Aussi secret que prudent dans la conduite des intérêts de tout ordre, il n’en avait pas moins un cœur ouvert à toutes les sensibilités. Il ne connaissait pas la haine, tout au plus le dédain. L’aménité et la distinction de ses manières ne rendaient que plus séduisant encore le causeur recherché partout où le commerce de l’esprit était en faveur.

Le second exil d’Henri d’Orléans, en 1886, rejeta son fidèle