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En 1870-1871, les prisonniers de guerre furent conduits sous escorte jusqu’au lieu de l’embarquement, puis internés : suivons cet ordre.

Les prisonniers faits à Sedan et à Metz séjournèrent d’abord, pendant un temps plus ou moins long, dans un camp de concentration ; nous ne nous occuperons que des premiers auxquels se rattache le lamentable souvenir du Camp dit de la Misère, établi dans la presqu’île d’Yges, près de Sedan. Un philanthrope belge a décrit de visu, avec une émotion et une indignation communicatives, les souffrances de tous genres que les prisonniers entassés là sans la moindre distinction eurent à endurer pendant plusieurs jours, bon nombre du 2 au 12 septembre.

Littéralement abandonnés par les Allemands, exposés sans le plus léger abri à une pluie qui tomba souvent à torrens et transforma le terrain en un véritable cloaque, les prisonniers n’eurent, par les soins de l’autorité allemande, du 2 au 10 septembre, que cinq distributions de vivres ; encore ne les durent-ils, à défaut du général Wimpffen qui était parti le 4 septembre, qu’à l’intervention incessante des généraux Ducrot et Lebrun, aidés surtout par les généraux de Galliffet, Ameil et Le Forestier de Vendeuvre. Il semble que l’unique préoccupation de vainqueurs dénués de la générosité la plus élémentaire ait été d’affaiblir systématiquement les malheureux débris de l’armée d’Alsace ; ils traitèrent deux mois plus tard de la même façon les prisonniers de Metz, toutefois pour ceux-ci l’épreuve fut d’une durée moindre.

Cette conduite odieuse eut un tel retentissement en Europe que le chancelier Bismarck essaya, le 22 septembre, par l’intermédiaire de son fidèle secrétaire Moritz Busch [1], de détruire cette fâcheuse impression ; une fois de plus, il eut recours au mensonge. Si les intendans allemands auxquels on adressa tant de louanges à la fin de la guerre avaient reçu des ordres fermes à ce sujet, il leur eût été facile, grâce au voisinage de la Belgique, de pourvoir aux besoins de troupes concentrées de la sorte.

On eut à constater la même insensibilité et le même défaut

  1. Moritz Busch, Le comte de Bismarck et sa suite pendant la guerre de France 1870-1871, p. 227.