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de prévoyance dans la conduite des convois de prisonniers, avec une circonstance aggravante : les habitans qui, touchés d’une pareille misère, apportaient des vivres à des malheureux parfois privés de pain et d’eau depuis vingt-quatre heures, furent, en effet, brutalement repoussés. Comme si ce n’était pas assez, les insultes et les coups ne leur furent pas ménagés ; on a même à signaler des assassinats individuels ou collectifs.

Le R. P. Joseph, dans son ouvrage, et le brave commandant du Petit-Thouars, un témoin [1], ont relaté la façon dont les Badois traitèrent les défenseurs de Strasbourg qu’ils conduisaient en exil. Pendant deux jours, ces prisonniers furent privés de repos et presque complètement de nourriture ; sous le plus léger prétexte, ils recevaient des coups de plat de sabre et s’entendaient dire : « Vous n’êtes plus des hommes, c’est à peine si nous vous considérons comme des chiens. »

Les mobiles faits prisonniers, le 6 octobre 1870, à Nompatelize, atteignirent Lunéville, après avoir été frappés à coups de crosse ou de plat de sabre et souvent menacés de la baïonnette ; là, on les fit passer entre une double haie de landwehriens, qui leur appliquèrent des coups de poing, de plat de sabre et parfois les piquèrent avec la pointe de leurs baïonnettes.

Le 24 novembre, à Nogent-le-Rotrou, ce furent des officiers qui, noblement, cinglèrent à coups de fouet, ainsi qu’en a porté témoignage Léopold-Charles, les jambes de malheureux marchant depuis dix heures et n’ayant eu pour toute nourriture que « quelques débris de biscuit et des pommes à cidre ramassées sur la route [2]... » A la Ferté-Bernard, la même scène se renouvela avec le concours de soldats [3].

A Querrieu, le 23 décembre, c’est un officier qui abat d’un coup de revolver le chasseur à pied Seigneurin, coupable de s’être avancé de deux pas en avant de l’alignement pour reprendre sa capote jetée à terre avec des fournimens.

Mais l’épouvantable massacre de Passavant (Marne) domine toute la question.

L’évacuation de la petite place de Vitry ayant été jugée nécessaire, sa garnison fut mise en route dans la nuit du 24 au 25 août ; elle formait une colonne comprenant environ

  1. Rapport au ministre de la marine.
  2. Léopold-Charles, Notice sur l’invasion à la Ferté-Bernard en 1870-1871, p. 13.
  3. Id. ibid., op. cit., p. 15.