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pendant cinq heures, pour l’Etat ; le travail qu’ils fournirent aux particuliers et aux communes fut inégalement rémunéré, parfois non rétribué.

Devant les conseils de guerre, on appliqua exceptionnellement le code militaire français aux prisonniers qui surent s’en réclamer.

Une situation particulière fut créée aux tirailleurs algériens, aux « pauvres turcos ; » en Allemagne où ils causèrent une terreur égale à celle qu’ils avaient semée sur les champs de bataille de Wissembourg et de Froeschwiller, on les désigna sous les noms de thiere (bêtes fauves) et on les traita d’une façon inhumaine : à peine vêtus et maintenus cruellement dans le Nord, ils y moururent « comme des mouches. »

Les rédacteurs du Récit officiel prussien ont prétendu que, à part « quelques inconvéniens, » la majorité des prisonniers « n’a eu à se plaindre ni de l’alimentation, ni du traitement ; » demandons à des faits certains ce qu’il faut penser de cette audacieuse affirmation.

Du règlement qui fut mis en vigueur dans la plupart des dépôts allemands, nous nous bornerons à reproduire trois articles qui furent largement appliqués :


6° Toute sentinelle doit faire usage de ses armes au moindre refus d’obéissance.

7" Chaque désobéissance est punie selon le code prussien. Dans les cas graves et en récidive, le coupable sera impitoyablement mis à mort.

8° La même peine sera appliquée pour toute voie de fait envers un supérieur quelconque.


Demandons à un officier auquel nous devons des notes à la fois intelligentes et modérées, ce que fut l’installation à Spandau où commandait cependant un chef bienveillant, le « bon général » Streit :


Les prisonniers campés furent d’abord établis sous la tente ; puis, quand vint l’hiver, dans de longues baraques formées d’une carcasse en bois revêtue de carton goudronné. Chacune de ces carcasses pouvait contenir cent hommes et était munie de deux poêles. L’humidité des neiges et des pluies suintant à travers ces légères parois se combinait avec l’effet réfrigérant d’un sol sablonneux pour faire de ces locaux un séjour des plus malsains. Or, nos pauvres troupiers manquaient souvent des vêtemens les plus indispensables. Des maladies nombreuses, phtisie, petite vérole et typhus, se déclarèrent et tous les jours en emportaient quelques-uns.