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qui est quelque peu germanophile, tentait d’oublier la sienne, les navires anglais rencontrés en mer la lui rappelleraient sans doute efficacement.

On peut toutefois, comme nous l’observions en commençant ce travail, penser à extraire l’azote de l’air, cette mine inépuisable. Bloqués par l’Angleterre en 1812, les États-Unis se sont aperçus que, par une opération naturelle de ce genre, il s’était constitué, dans les célèbres grottes du Mammouth, des provisions de salpêtre, grâce auxquelles ils ont pu résister. Pendant le siège de Paris, en 1870, une commission présidée par Berthelot reconnut qu’en cas de nécessité, le lessivage des matières salpêtrées, contenues dans la seule enceinte de Paris, pourrait en un mois fournir plusieurs centaines de tonnes. Une guerre moderne demande des quantités de nitrates hors de proportion avec celles qui pouvaient être nécessaires en ces temps déjà anciens. Mais les ressources de la chimie ont décuplé. La plus grosse difficulté pour un pays riche en énergie utilisable sous la forme de houille est le temps nécessaire à l’organisation de telles industries qu’on ne crée pas du jour au lendemain.

Il faut mentionner également, parce qu’on y a fait plus d’une allusion dans ces derniers temps, la ressource que pourrait fournir, à défaut de nitrates, cet autre oxydant, plus efficace encore et partout facile à obtenir abondamment, l’air liquide. Des cartouches d’oxygène liquide et de charbon pulvérulent ont déjà été employées à la place de dynamite ; mais elles ont le très grave défaut de ne pouvoir se conserver plus de quelques heures. On a préconisé depuis longtemps des obus à l’air liquide qui auraient l’avantage de ne pas échauffer le canon et la culasse. Ce n’est probablement pas encore dans la guerre présente que cette application entrera assez en pratique pour fournir un explosif courant aux Allemands.


Nous arrivons ainsi au terme d’une étude, dans laquelle nous nous sommes efforcé de montrer le pour et le contre, en résistant à la tentation toujours plus séduisante de plaider une thèse formelle. Notre conclusion y perdra un peu en rigueur, mais gagnera peut-être en sécurité. Cette conclusion, c’est que l’Allemagne, malgré toute sa puissance industrielle, va se trouver, sinon paralysée, du moins progressivement gênée et