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ligottée par des liens de plus en plus nombreux et serrés qui la tiendront enchainée en tous sens, comme les fils attachés par les Lilliputiens au grand corps de Gulliver. Il suffit pour cela que, malgré les pressions exercées par les neutres et malgré le désir de se les concilier, l’Angleterre et la France maintiennent efficacement un blocus indispensable au bien de l’humanité tout entière. Réduite à ces termes généraux, une telle conclusion, que nous avons tenté d’établir, sur des données précises, avec les nuances et les atténuations nécessaires dans chaque cas, pourra sembler s’être imposée de prime abord comme évidente. Un grand pays moderne, surtout avec les besoins spéciaux que développe chez lui l’état de guerre, ne peut se passer du reste du monde et, le jour où il en est séparé, il constate avec stupeur combien, malgré tout son orgueil, il en restait dépendant. D’une contrée à l’autre, on a vu s’établir pour toutes les substances naturelles un équilibre de vases communicans, en raison duquel chaque région, suivant la logique des choses, tend à produire seulement ce qu’elle est particulièrement apte à fournir, pour exporter son excédent et importer en échange ce qui lui manque. Une telle loi s’applique particulièrement pour des produits localisés dans l’écorce terrestre comme les métaux, que le travail le plus obstiné et la science la mieux armée ne peuvent extraire d’un sol, s’il ne les renferme pas d’abord. Néanmoins, si prévue qu’ait pu être la conclusion, notre étude n’en aura pas moins montré sur quels points particuliers l’ennemi est le plus sensible et doit être le plus rapidement, le plus efficacement atteint. Nous entrons, avec l’année 1915, dans une période de blocus à peu près effectif, où les résultats de cette guerre économique à peine commencée vont l’un après l’autre se manifester, et il est permis d’en déduire, outre toutes nos autres raisons d’attendre patiemment le succès, des motifs presque mathématiques d’espoir.

Dans cette forme de lutte nouvelle, le programme de notre offensive est simple, quoique nous ayons insisté sur les complexités de sa réalisation. Il consiste à encercler l’Allemagne en obstruant l’une après l’autre toutes les voies d’accès et à continuer patiemment le siège. Ne comparons pas cette idée avec celle du Blocus continental. Si le plan de Napoléon a échoué, c’est qu’il voulait empêcher l’Angleterre de vivre en lui interdisant l’accès de quelques ports européens, sans posséder